J'ai 63 ans, j'ai travaillé toute ma vie dans l'entreprise privée, et payé mes taxes et mes impôts qui, depuis plusieurs années, totalisaient la moitié de mon salaire brut.

J'étais cadre professionnelle dans une PME, il ne pouvait rien m'arriver, j'avais une santé de fer et un moral d'acier. Je n'avais jamais cherché d'emploi, car on m'a toujours recruté pour ma réputation et mes compétences. J'aimais la vie et elle me le rendait bien. Je me contentais de ce que j'avais.

Les dernières années ont par contre été plus difficiles pour moi. Côté financier, comme beaucoup d'autres, j'ai tout perdu. Côté santé, j'ai depuis peu deux prothèses totales aux genoux. Les quatre années qui ont précédé mes deux opérations, je marchais difficilement, avec une canne, ce qui m'a amené à m'absenter quatre mois de mon travail pour cause d'épuisement. Mon employeur m'a remplacée après seulement trois semaines d'absence et ne m'a pas redonné le même poste à mon retour (début 2008), pour mieux le sabrer tout juste un an plus tard.

Je suis donc «tombée sur le chômage» pour la première fois en 40 ans. J'ai maintenant épuisé toutes mes prestations (34 semaines) ainsi que mes 15 semaines de «chômage maladie». Pour 40 ans de travail.

À mon retour au travail après les quatre mois d'absence début 2008, comme on ne me redonnait pas mon poste, je m'étais prévalue de mon droit de toucher ma part de mon Régime des rentes du Québec (RRQ). Ayant plus de 60 ans, et travaillant quatre jours par semaine au lieu de cinq, je répondais aux critères de la RRQ, que j'ai payée chaque semaine de ma vie.

Février 2010. Je me résigne à demander de l'aide sociale pour quelques mois, le temps que mes genoux finissent de guérir. Mettant de côté mes préjugés et mon amour propre, je me rends à Emploi Québec, je remplis tous les papiers. Le seul actif que j'ai, c'est mon auto: une 2007 payée à l'achat... Et une entrée d'argent: mon «gros» dépôt de pension mensuelle (RRQ) de 639$.

On ne me fait rencontrer personne et c'est le coeur lourd que je rentre chez moi pour attendre la sentence, comme un coupable que l'on expose au grand public. Une semaine plus tard, je reçois une belle lettre me disant que ma demande d'aide financière de dernier recours est acceptée et que je serai admise au programme d'aide sociale à partir du 1er mars. Le 1er mars? Mais nous sommes au début février et je n'ai rien reçu depuis le 23 janvier!

La somme qui me sera versée chaque mois sera de 73$... Non, non, je n'ai pas oublié de chiffre avant le 73... car on déduit de la somme allouée mensuellement -qui serait de 712$- la somme de 639$ de la RRQ ! Un peu plus et c'est moi qui va leur devoir quelque chose! Oui, oui, on déduit l'argent de ma pension que j'ai moi-même payée. Je mange quoi et je paye mes comptes comment?

J'avais les mêmes préjugés que beaucoup de monde sur les «BS», comme on les appelle, et dont je fais maintenant partie: des sangsues, des voleurs qui vivent aux crochets de la société, du gouvernement, donc de mes impôts que je payais à la sueur de mon front, et qui ne sont pas foutus de travailler pour vivre. Des jeunes pleins de santé qui travaillent au noir pour mieux profiter de moi. C'est l'image que le gouvernement accepte de laisser circuler. De la désinformation, car je croyais qu'on leur fournissait de quoi vivre ailleurs que sur le trottoir. Mea culpa, mea maxima culpa. Oui, je suis coupable d'avoir jugé sans savoir. On n'est pas des profiteurs. Je ne dis pas qu'il n'y en a aucun, mais je ne crois plus que ce soit la majorité!

C'est ça, une aide de dernier recours au Québec? C'est ça qui attend les aînés à la fin d'une vie de travail quand ils sont malades?

Moi, je suis chanceuse, je pourrai probablement retourner travailler, je n'ai pas un cancer. Les cancéreux qui se retrouvent sur l'aide sociale, ils font comment pour passer au travers?

Aujourd'hui, c'est moi qui demande de l'aide pour la première fois, puis là, le gouvernement me laisse tomber! Y a-t-il des petits caractères que je n'avais pas vus dans les formulaires 

Réveillez-vous, il n'y a rien d'acquis.