Ce matin, je pars plus tôt. J'attrape le métro de justesse à la station Pie-IX: ouf! À peine 50 m avant d'arriver à destination, à la station Berri-UQAM, le train freine d'urgence et tous les voyageurs manquent de tomber. L'arrêt est violent. Les lumières s'éteignent. Nous étions presque arrivés!

Je ne me doutais pas, à ce moment, de ce qui allait suivre: les passagers et moi sommes restés coincés une heure et cinq minutes avant d'être évacués. Les premières minutes: attente, silence. Après une trentaine de minutes: les gens se questionnent, et un homme, par la porte grillagée du côté, demande à un agent de sécurité qui circulait dans le tunnel: «Non, mais est-ce qu'on peut au moins savoir ce qui se passe? On est là à attendre comme des poireaux!» L'agent lui répond simplement: «C'est un suicide.»

 

Je capte alors la conversation de deux femmes dans le wagon. L'une dit: «Voir qu'il se suicide dans un métro! Franchement! Il ne fait cela que pour se faire remarquer!» Je me concentre: ne pas penser à ces propos avant d'être sortie d'ici.

Vient enfin mon tour de descendre par l'échelle. Je marche dans le tunnel jusqu'au quai. La scène me semble figée dans le temps: civières, ambulanciers, policiers trop souriants et amicaux pour une telle situation de drame.

Toute la journée, au cégep, j'entends des gens dire des: «Ouais, je suis arrivé en retard à mes cours ce matin: il y a un cave qui s'est jeté devant le métro». Et des: «Non, mais c'est quoi son problème de se suicider dans le métro! Ça fait suer tout le monde!» lancés froidement par-ci, par-là.

Et à les voir, à les entendre, indifférents... j'ai mal. Je pleure. Les gens ne voient pas que, ce matin, quelqu'un souffrait tellement, était si désespéré qu'il a préféré en finir avec sa vie.

Personne ne voit l'incident comme une détresse, une souffrance. Non. Ça, personne n'en parle. Mais le retard que ça a causé par contre, le petit contretemps de monsieur et madame, ça, on en entend parler.

Catherine Duval

L'auteure est étudiante au cégep du Vieux-Montréal.