L’auteure réagit à la chronique de Patrick Lagacé sur le suicide de la jeune Amélie Champagne publiée plus tôt cette semaine1.

J’ai lu le texte de Patrick Lagacé sur le suicide de la jeune Amélie et j’ai pleuré de rage. Il n’y a pas de mots assez forts pour exprimer à quel point je suis outrée et attristée par cette nouvelle.

Malheureusement, ce n’est ni la première ni la dernière histoire de ce genre que j’ai entendue. Le ministre Lionel Carmant nous dit qu’il y aura enquête. Permettez-moi de vous dire que je reste très cynique face aux retombées concrètes d’une telle enquête puisqu’il y en a déjà eu auparavant... mais hélas, nous revoilà.

L’histoire d’Amélie est venue me chercher au plus profond de moi-même, car voyez-vous, j’ai été dans une situation similaire au printemps 2021. Je vivais alors un épisode dépressif tellement intense que j’ai voulu me suicider. J’avais tellement mal que c’en était physique. Je suis passée près de l’acte, mais j’ai changé d’idée à la dernière minute, car j’ai réalisé que ce que je voulais était d’arrêter de souffrir, pas mourir. Je me suis rendue à l’hôpital le lendemain matin afin d’être vue à l’urgence psychiatrique. J’avais peur de moi-même et pour moi-même. J’avais préparé ma liste de symptômes et mon histoire, que j’ai racontée à l’infirmier psychiatrique. Malheureusement, je ne me suis pas sentie écoutée. J’ai ressenti une condescendance de la part de l’infirmier qui m’a expliqué que ma tristesse était due à ma récente séparation et m’a demandé ce que je voulais qu’on fasse pour m’aider. J’ai répondu, déboussolée, que peut-être un changement dans ma médication serait aidant. À ma grande surprise, l’urgentologue m’a donné mon congé avec la prescription que j’avais moi-même suggérée à l’infirmier !

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Aux prises avec des symptômes de la maladie de Lyme, Amélie Champagne a mis fin à ses jours le 11 septembre.

En passant, la modification de mes antidépresseurs a empiré mon état puisqu’en fin de compte, j’ai un trouble bipolaire et non dépressif et j’ai vécu une souffrance pire qu’avant d’aller à l’hôpital. La seule bonne chose qui est ressortie de cette visite aux urgences est le suivi fait ensuite par le service intégré de liaison, d’accompagnement et de relance (SILAR) du Centre de prévention du suicide (CPS) de Québec. C’est grâce au CPS de Québec que j’ai pu passer à travers cette période de grande détresse en attendant mon rendez-vous en psychiatrie.

Je suis très chanceuse, car j’ai eu l’aide du CPS, de ma médecin de famille qui a travaillé d’arrache-pied pour que je sois prise en charge par une psychiatre. Je me suis sentie écoutée, comprise et accompagnée dans le processus de mon rétablissement. Je suis très chanceuse, en effet, et j’aimerais que tout le monde qui en a besoin ait cette chance. Malheureusement, il est très difficile d’avoir accès à de l’aide sur le plan psychologique au Québec actuellement.

Je suis très consciente de la pénurie de professionnel.le.s en santé mentale dans le réseau public, incluant les psychologues dont je suis. Cette pénurie a un effet néfaste sur l’accès aux services en temps opportun. En santé physique, toutefois, on se trouve dans un tout autre univers. Voyez-vous, si Amélie s’était présentée aux urgences avec une douleur dans la poitrine, elle aurait été vue immédiatement et ont lui aurait fait passer toute la batterie de tests existants afin de s’assurer que son cœur allait bien. Or, on ne donne pas le même traitement aux gens qui vivent une douleur psychologique parce qu’encore aujourd’hui, il existe une méconnaissance face à la santé mentale et la souffrance psychologique. Et aussi, il y a la stigmatisation. On n’est pas à l’abri des préjugés sur la maladie mentale et le suicide, et ce, même en tant que professionnel.le.s de la santé.

Tant que la souffrance psychologique ne sera pas perçue comme étant aussi valable, douloureuse, dangereuse que la souffrance physique, nous allons nous retrouver à vivre des situations similaires.

Aux médecins et au personnel soignant aux urgences et dans les hôpitaux : lorsque quelqu’un vous dit « je veux mourir », « je veux me suicider », « j’ai fait une tentative », croyez-les. Croyez-les. Écoutez-les. Demandez une évaluation de l’état psychologique et du risque suicidaire auprès de ceux et celles qui sont formés à le faire (par exemple : psychologues, travailleurs sociaux). Assurez-vous du suivi post-hospitalisation. On ne laisse jamais une personne qui a fait une tentative de suicide grave partir avec seulement une ordonnance. Pourquoi ? Pour la même raison qu’on ne laisserait jamais partir une personne à risque imminent d’une crise cardiaque : le danger de mort est réel. Alors pourquoi ces deux personnes sont-elles traitées différemment ? LA question...

Tant et aussi longtemps que nos décideurs ne considéreront pas la santé mentale comme étant aussi importante que la santé physique, les choses ne changeront pas, peu importe le nombre d’enquêtes du coroner. J’espère sincèrement que notre prochain gouvernement fera réellement, concrètement, de la santé mentale une priorité afin qu’on puisse travailler en amont plutôt que de se retrouver à répéter la même histoire2.

1. Lisez la chronique de Patrick Lagacé : « Papa, je veux sortir d’ici » 2. Lisez la chronique de Patrick Lagacé : « C’est toujours la même histoire »

Besoin d’aide pour vous ou un proche ?

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, contactez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Vous pouvez aussi consulter le site commentparlerdusuicide.com.

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