Experts invités pour la durée de la campagne électorale, les professeurs Stéphanie Yates et Thierry Giasson se prononcent chaque samedi sur cinq des principaux thèmes de la semaine.

L’engagement de la semaine

Le retour des grands barrages à la CAQ

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Barrage hydro-électrique Manic-5, sur la Côte-Nord

Relancer la construction de grands barrages hydro-électriques fait certainement rêver, tout comme l’idée de devenir la « batterie verte » de l’Amérique du Nord. Mais la question de savoir quelles rivières devront être harnachées demeure entière, et se butera certainement à des enjeux d’acceptabilité sociale, tout comme c’est déjà le cas des projets miniers qui visent à fournir le lithium et le graphite nécessaires à la production de batteries. Surtout, ce surplus d’énergie qui, si tout se passe bien, devrait être effectif d’ici 15 ans, tend à faire oublier que devant la crise climatique, la transition passe aussi par la sobriété énergétique, une avenue pas mal plus déstabilisante pour l’électorat (finie, l’autosolo ?).

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

Changement de paradigme chez QS et le PQ en transport

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire
 de Québec solidaire

La question de la lutte contre les changements climatiques a fait une entrée tonitruante dans la campagne cette semaine. Deux partis se démarquent par leurs propositions en mobilité durable : le Parti québécois et Québec solidaire. Leurs propositions d’investissements massifs pour le transport collectif à Montréal, à Québec et en région sont ambitieuses et parfois surprenantes. Les deux partis proposent un changement de paradigme clair sur les déplacements individuels, collectifs et interrégionaux qui pourrait plaire aux Québécois pour qui l’environnement est une priorité, mais aussi déplaire à plusieurs autres qui ne sont pas encore prêts à changer en profondeur leurs habitudes de vie pour réduire les GES.

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

Le moment mémorable

L’entrée en scène de l’environnement

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le plan climat de Québec solidaire, présenté dimanche dernier, a résolument fait entrer le thème de l’environnement dans cette campagne, selon Stéphanie Yates.

Le plan climat de Québec solidaire, présenté dimanche dernier, a résolument fait entrer le thème de l’environnement dans cette campagne. Si les propositions du parti de Gabriel Nadeau-Dubois ont été taxées d’irréalistes par les autres partis, elles ont le mérite de pousser la Coalition avenir Québec et le Parti libéral du Québec à présenter des cibles de réduction de GES sans doute plus ambitieuses qu’ils ne l’auraient fait autrement, le Parti québécois contribuant également à cette pression du flanc gauche. M. Nadeau-Dubois a toutefois eu du mal à rester centré sur ce thème de l’environnement en raison des critiques virulentes liées à son annonce sur la taxation des « millionnaires », qui l’ont placé sur la défensive, occultant entre autres son engagement lié au prolongement du métro.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

L’immigration fait dérailler la campagne de Legault

PHOTO DENIS GERMAIN, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

François Legault, premier ministre du Québec

L’amalgame tellement maladroit du premier ministre François Legault entre l’immigration et la violence dans la société a fait complètement dérailler la campagne de la Coalition avenir Québec cette semaine et a donné des munitions à Dominique Anglade, elle-même fille d’immigrants, dans sa campagne dans la région de Montréal, où de nombreuses circonscriptions comptent des électeurs issus de l’immigration. François Legault vient peut-être de signer la fin de la croissance de son parti à Montréal, à Laval et à l’ouest de la Rive-Sud. Voilà de l’or en barre pour le Parti libéral du Québec, qui ne perd plus une occasion pour soulever la question.

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

Le leader en action

Un premier ministre qui divise ?

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le pont Pierre-Laporte et le pont de Québec

François Legault aura cette semaine donné raison à Dominique Anglade, qui l’accuse de vouloir diviser les Québécois. Sa malheureuse déclaration assimilant les immigrants à un accroissement de la violence relève sans doute d’une bourde qui continuera de le hanter pendant cette campagne. En revanche, ses propos sur le regard hautain des Montréalais envers le projet du troisième lien semblent savamment calculés. Les stratèges caquistes auront ainsi estimé que la fidélisation de la base électorale dans la région de Québec — où le Parti conservateur du Québec fait de l’œil à l’électorat caquiste de la Rive-Sud, notamment — valait bien le risque d’agacer certains électeurs du Grand Montréal, le tout étant sans grandes conséquences quant à l’issue du vote dans cette région.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

St-Pierre Plamondon donne le ton

PHOTO DENIS GERMAIN, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, mène jusqu’à présent la campagne la plus disciplinée de cette élection. Il s’exprime posément et parle d’abord de ses propres priorités. Il ne se laisse pas distraire par les campagnes de ses adversaires et refuse parfois même de commenter directement leurs gaffes. Le chef est toujours « on message », bien branché sur son message du jour, sans se perdre dans la langue de bois. Il mène essentiellement une campagne positive. Saura-t-il maintenir ce ton encore trois semaines ?

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

L’étoile montante/filante

PCQ : le parti d’un seul homme ?

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec

Alors que les amalgames douteux provenant des candidats du Parti conservateur du Québec se multiplient — certains ont comparé le gouvernement Legault au régime nazi et aux dictatures de la Russie et de la Chine, et la situation des personnes non vaccinées à celle des Juifs lors de la Deuxième Guerre mondiale —, on apprend maintenant que plusieurs candidats ont contribué à financer le convoi des camionneurs qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa l’hiver dernier. On cherche encore les candidats qui peuvent sérieusement prétendre, aux côtés d’Éric Duhaime, être prêts à former la prochaine opposition officielle.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

D’anciennes allégeances

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Virginie Dufour, candidate libérale dans Mille-Îles

Le passé caquiste de la candidate libérale dans Mille-Îles, Virginie Dufour, vient la rattraper cette semaine. L’ancienne conseillère municipale, qui fut responsable de l’environnement au comité exécutif de Laval, a été militante de la Coalition avenir Québec (CAQ) et a encensé l’automne dernier le bilan environnemental du gouvernement. Elle dit toutefois avoir décidé de se joindre au Parti libéral du Québec à la suite des propos de François Legault sur la louisianisation possible du Québec et de la poursuite du projet de troisième lien à Québec. Le tunnel pour elle est un « no go » et elle a refusé de porter allégeance publiquement au projet comme éventuelle candidate de la CAQ. Et c’est précisément ce que la recrue vedette caquiste Bernard Drainville est encore venue faire la semaine dernière en disant aux Québécois « Lâchez-moi avec les GES ». Twitter s’embrase et la campagne caquiste perd de nouveau le contrôle de son message du jour.

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

L’image qui vaut 1000 mots

Continuons... malgré la crise climatique ?

IMAGE TIRÉE DE TWITTER

Capture d’écran d’une publicité électorale de la CAQ

Ayant été accusée de vouer un « culte de la personnalité » à l’endroit de François Legault, la Coalition avenir Québec (CAQ) a voulu se distancier de l’image du premier ministre, du moins dans sa première publicité, qui circule entre autres sur les médias sociaux. Avec pour résultat l’image d’un bateau qu’on pourrait associer à un méthanier, qui circule dans ce qui pourrait être le fjord du Saguenay. Avec le slogan « Continuons » accolé à l’idée d’« enrichir le Québec et les Québécois », on en vient presque à penser que la CAQ envoie subtilement un message en faveur de la reprise du projet GNL Québec… Par ailleurs, l’idée même de « continuer » cadre mal avec les enjeux environnementaux discutés cette semaine, qui nécessitent qu’on fasse tout sauf continuer comme nous le faisions jusqu’ici.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

« Parce que c’est une île »

IMAGE TIRÉE DE TWITTER

Mème qui reprend la réponse du journaliste Patrice Roy aux arguments de François Legault défendant le troisième lien, lors de l’émission Cinq chefs, une élection, à Radio-Canada

Dans une semaine chargée en déclarations surprenantes, c’est cette réponse du journaliste Patrice Roy de Radio-Canada à l’argument étrange du premier ministre Legault, qui compare le nombre de ponts entre Montréal et ses rives et ceux qui unissent Québec et Lévis pour justifier le troisième lien, qui capte l’attention. Les internautes s’emparent de l’échange et produisent des mèmes et des tweets qui seront abondamment relayés cette semaine.

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval