L’éditorialiste Alexandre Sirois a décortiqué deux engagements majeurs des partis politiques en matière d’identité et de langue.

Parti libéral du Canada : loi sur la laïcité de l’État : « irresponsable » de fermer la porte à une intervention

Justin Trudeau n’a jamais caché qu’il était en désaccord avec Loi sur la laïcité de l’État et il est le seul de tous les chefs à dire qu’il pourrait intervenir dans le processus judiciaire pour soutenir ceux qui la contestent.

« Ce serait irresponsable pour un gouvernement fédéral de fermer la porte, à tout jamais, à intervenir à une étape future », a-t-il lancé lors du plus récent débat. À ses yeux, il s’agit de protéger les droits des minorités religieuses comme on le ferait pour les droits des francophones hors Québec, par exemple. Mais une telle intervention n’est « pas garantie », a pris soin d’ajouter le premier ministre ; une ambiguïté qui semble prouver qu’il comprend que sa position pourrait lui faire perdre des plumes.

Protéger et promouvoir les langues officielles

Les libéraux ont fait plusieurs promesses dans le dossier des langues officielles et du bilinguisme.

Ils souhaitent par-dessus tout moderniser la Loi sur les langues officielles, une initiative qu’ils ont déjà mise en branle il y a plusieurs mois. Ils veulent notamment qu’on y précise « le mandat de Radio-Canada pour les nouvelles régionales » et évoquent le fait qu’Air Canada devra fournir des services entièrement bilingues. Cette dernière promesse est plus facile à dire qu’à faire respecter, on l’a compris au cours des dernières années. Ce sera certainement plus facile d’y arriver si le gouvernement fédéral renforce les pouvoirs du commissaire aux langues officielles, un autre des engagements des libéraux. Ils s’engagent enfin à continuer de nommer uniquement des juges bilingues à la Cour suprême du Canada.

Parti conservateur du Canada : contre la loi sur la laïcité de l’État et contre une intervention fédérale

PHOTO DARREN CALABRESE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Andrew Scheer a promis que son parti n’allait pas mettre de l’avant une loi comme celle sur la laïcité de l’État au fédéral.

À la mi-septembre, avant même que François Legault ne demande aux chefs des partis fédéraux de promettre de ne pas participer à une contestation judiciaire de la loi sur la laïcité, Andrew Scheer s’y était déjà engagé.

Il a, depuis, toujours été limpide à ce sujet. « C’est clair que les élus du Québec ont pris leur décision », a-t-il déjà dit. Il laissera le soin aux tribunaux de trancher. Le chef conservateur a, en contrepartie, promis que son parti n’allait pas « mettre de l’avant une loi de ce type au fédéral ».

Promouvoir les langues officielles

Dans le dossier des langues officielles, le parti d’Andrew Scheer a visiblement voulu montrer qu’il n’a rien à voir avec celui de Doug Ford, promettant plusieurs initiatives substantielles.

Il n’a pas prévu renforcer les pouvoirs du commissaire aux langues officielles – comme le Parti libéral et le Bloc –, mais il propose une solution de rechange : créer un Tribunal des langues officielles, qui interviendrait quand les droits « sont violés ». Quant à la modernisation de la Loi sur les langues officielles, pour les conservateurs, elle passe entre autres par l’adoption d’un plan d’action de cinq ans qui serait élaboré après avoir consulté les communautés en situation minoritaire.

NPD : contre la loi sur la laïcité de l’État et ne veut pas qu’Ottawa intervienne

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Une femme se fait mettre un turban sikh à Montréal pendant une manifestation contre la charte des valeurs, en 2014.

Le chef du NPD marche sur des œufs au sujet de la Loi sur la laïcité de l’État, à laquelle il s’oppose personnellement.

On a pu le constater à l’issue du débat des chefs en anglais, où on lui avait reproché de manquer de courage sur cet enjeu. Jagmeet Singh avait alors affirmé que « tous les premiers ministres doivent regarder ce qui se passe à la Cour suprême ». Il a toutefois rapidement précisé – comme il le répète depuis le début de la campagne – qu’il ne veut pas intervenir, mais plutôt « gagner les cœurs des gens ». « Oui, je porte un turban, mais je partage vos valeurs », résume-t-il.

Faire la promotion des langues officielles

Dans le cadre d’une modernisation annoncée de la Loi sur les langues officielles, le NPD promet notamment de « renforcer la surveillance et la reddition de comptes », mais est avare de détails sur comment on lui donnera plus de mordant.

Le parti s’engage par ailleurs à imiter le Parti libéral et à ne nommer que des juges bilingues à la Cour suprême. Dans le même ordre d’idées, il dit vouloir veiller à ce que quiconque puisse avoir accès à la justice dans la langue de son choix au pays. Il promet par ailleurs aux communautés linguistiques minoritaires qu’elles seront consultées avant la prise de décisions qui les touchent.

Bloc québécois : en faveur de la loi sur la laïcité de l’État et contre une intervention fédérale

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Manifestation en faveur de la laïcité à Montréal

Yves-François Blanchet s’est plaint, au beau milieu de la campagne, que la loi sur la laïcité prenait trop de place dans la campagne.

« Ce sujet-là mange tout l’espace », a-t-il lancé. Techniquement, il n’a pas tort. Sauf qu’il parle lui-même de ce sujet, fréquemment, avec autant de fermeté que d’enthousiasme. Ce n’est pas étonnant : son parti est le seul au diapason du gouvernement caquiste et d’une majorité de Québécois au sujet de la « loi 21 ». C’est assurément une des raisons pour lesquelles il a actuellement le vent en poupe et pourrait défier les attentes la semaine prochaine.

Application de la loi 101 aux entreprises fédérales

Depuis le début de la campagne, le Bloc joue la carte nationaliste qui a si bien servi la CAQ lors des dernières élections provinciales.

Il se targue d’ailleurs d’être le seul parti fédéral à avoir dit oui aux quatre demandes formulées par Québec, y compris celle qui permettrait l’application de la loi 101 aux entreprises à charte fédérale. Le parti promet de déposer un projet de loi à ce sujet lors de la prochaine session parlementaire. Précisons toutefois qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, car l’idée ne date pas d’hier ni à Québec ni à Ottawa. Même que le Bloc a déjà déposé trois fois un tel projet de loi au Parlement fédéral ces dernières années, en vain. Par ailleurs, le Bloc a fait savoir qu’il souhaitait lui aussi renforcer les pouvoirs du commissaire aux langues officielles.

Parti vert : contre la loi sur la laïcité de l’État… mais préfère parler du climat

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Elizabeth May pense qu’il serait plus utile de débattre de la crise climatique. Ci-dessus : la grande manifestation pour le climat du 27 septembre à Montréal.

Lorsqu’Elizabeth May est interrogée sur la Loi sur la laïcité de l’État, elle répond qu’elle s’y oppose et qu’elle ne veut pas intervenir dans le cadre d’une contestation judiciaire de la loi.

Cela dit, elle pense qu’il serait plus utile de débattre des façons de résoudre la « crise climatique ». Elle ne s’est pas gênée pour le faire savoir lors du débat des chefs en français. Elle a dit croire que les discussions entourant la « loi 21 » avaient occupé plus de place que celles sur les changements climatiques depuis le début de la campagne, ce qu’elle a déploré.

Protection des droits linguistiques des minorités

Le Parti vert veut s’engager « à défendre les deux langues officielles du Canada », mais sa plateforme n’est pas la plus précise quant à savoir comment il va y arriver.

En revanche, si tous les grands partis disent vouloir moderniser la Loi sur les langues officielles, il est celui qui fait preuve du plus grand empressement. Ça devrait être fait pendant la première année de la prochaine législature, estiment les verts. Elizabeth May voudrait aussi, au cours de la même période, « donner plus de pouvoir de punir » au commissaire aux langues officielles.