J'ai senti, dans bien des milieux, une sorte de vent de soulagement quand on a appris que le PISA, la grande étude internationale sur la performance scolaire des élèves qui classe nos jeunes parmi les meilleurs du monde, comportait des problèmes d'échantillonnage au Québec pouvant nuire à la fiabilité des résultats.

Ce doute confirmait l'incrédulité de bien des Québécois. On n'arrête pas de parler du manque de financement, de la médiocrité de certains enseignants, des programmes qui n'ont pas d'allure, de l'ignorance des jeunes et de leur faible maîtrise de la langue et on serait parmi les meilleurs ?

Le soulagement vient aussi de ceux qui, dans le monde de l'éducation, n'ont jamais aimé ce fameux Programme international pour le suivi des acquis. L'éducation, c'est un véritable panier de crabes, avec ses théoriciens, ses idéologues, ses fonctionnaires dogmatiques, ses corporatismes, son syndicalisme égalitariste. Ça fait bien des gens hostiles à l'idée même de mesurer les résultats du système scolaire et la performance des élèves.

Avec les failles dans l'édition 2015 de cette vaste enquête, dont Le Devoir a fait état cette semaine, on peut être tenté de conclure, comme l'a fait mon collègue Patrick Lagacé, qu'on ne sait pas trop si nos élèves sont bons ou pas. 

Dans les faits, on sait pas mal de choses, bien assez pour savoir que oui, ils sont bons.

Revenons aux résultats du PISA, une enquête réalisée tous les trois ans sous l'égide de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) où l'on fait passer à des élèves de 15 ans, en 4e secondaire, des tests dans trois disciplines. Dans l'édition 2015, à laquelle participaient 72 pays, le Québec s'est classé au 3e rang mondial pour les sciences, 3e en mathématiques, et 2e en lecture. J'ai fait un calcul pour classer les participants en fonction de la note globale qu'ils ont obtenue pour les trois examens. Cela place le Québec au 2e rang mondial, derrière Singapour.

Effectivement, le résultat pouvait étonner parce qu'il s'agissait d'un bond important depuis l'enquête de 2012, où le Québec s'était plutôt classé au 10e rang - 5e en maths, quoique le premier en Occident, 10e en lecture, 14e en sciences. Un tel progrès en trois ans est suspect.

Cela valide l'hypothèse que les résultats aient été faussés par un problème d'échantillon. Seulement 52 % des écoles sélectionnées ont participé au test, quand l'enquête exigeait un taux de participation de 85 %. Cette faible participation s'explique par le boycottage du PISA par plusieurs écoles publiques. Leur absence a eu pour effet d'augmenter la proportion d'élèves du privé, qui ont gonflé les résultats avec leurs meilleures notes.

Avant d'aller plus loin, je me permets une parenthèse. Ce boycottage a été lancé par la Fédération québécoise des directeurs d'établissement pour protester contre le gouvernement Couillard dans leur bataille salariale. En sabotant un outil de connaissance essentiel pour améliorer notre système d'éducation, ces directeurs d'école se sont comportés de manière stupide.

Mais le boycottage obscurantiste permet-il de remettre en question l'ensemble des résultats qui, depuis des années, nous disent que la performance québécoise est exceptionnelle ?

L'argument vient du fait que le taux de participation au Québec a toujours été inférieur aux critères - 74 % plutôt que 80 % en 2006, 69 % au lieu de 85 % en 2009, 75,6 % en 2012 au lieu de 80 %.

Mais on peut bien voir que le problème d'échantillonnage de 2012 était relativement mineur, pas assez pour remettre en cause les résultats de cette année-là. La conclusion la plus plausible, c'est que le Québec n'est pas au 2e rang, mais qu'il se situe plutôt à ce qu'il était en 2012, autour du 10e rang. Et comme ces classements sont dominés par les pays asiatiques, les résultats des élèves québécois, particulièrement en mathématiques, sont très nettement parmi les meilleurs du monde occidental. D'autres outils permettent d'ailleurs de vérifier les résultats du Québec au PISA.

Une autre forme de corroboration vient des résultats canadiens. Le Québec n'est pas la seule province à bien faire. Dans toutes les éditions du PISA, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique sont elles aussi en tête de peloton et devancent même le Québec, sauf en maths. Cela tendrait à montrer qu'il y a des éléments d'explication canadiens dans le succès de ces quatre provinces.

Ces résultats sont bien assez convaincants pour permettre une réflexion plus éclairée et pour changer la dynamique du débat.

L'enjeu, ce n'est pas de sauver un système d'éducation à la dérive, mais d'améliorer un bon système et de se concentrer sur ses lacunes.

D'abord, l'insuffisance des outils pour donner toutes les chances de réussite aux enfants désavantagés. Ensuite, l'indifférence générale de la société à l'égard de l'éducation, que l'on voit par exemple à notre lenteur à combattre le décrochage ou à la fréquentation universitaire insuffisante.

Le problème, c'est moins le réseau lui-même - les écoles, les programmes, les enseignants, les notes - que les liens entre la société et ce réseau.