L'intégration des nouveaux arrivants au marché du travail est un échec à Montréal. Pourtant, le message peine à se rendre à l'Assemblée nationale.

Les partis y débattent surtout du nombre d'immigrants qu'il faudrait accueillir, et le chiffre compte moins que le positionnement : il n'y en a pas assez ou il y en a trop ? Pour ou contre ?

Or, l'urgence n'est pas de parler du combien, mais plutôt du comment. Car il y a un drame quotidien qui se répète chaque jour : de nouveaux arrivants ne décrochent pas d'emploi à la hauteur de leurs qualifications, ou n'en trouvent pas du tout.

Cet échec est particulier dans le Grand Montréal, comme le démontre la nouvelle étude de l'Institut du Québec.*

La région métropolitaine ne se distingue pas par son nombre d'immigrants - le taux de 23 % correspond à la médiane des grandes villes nord-américaines. Par contre, c'est ici que la population dite « native » est la moins scolarisée. C'est aussi ici que les nouveaux arrivants sont les plus nombreux à être titulaires d'un diplôme universitaire. Et enfin, c'est aussi ici que la population vieillit le plus vite, et que les besoins en main-d'oeuvre sont les plus urgents.

Bref, Montréal est la ville dont le marché du travail a le plus besoin d'immigrants, et aussi celle qui accueille les plus scolarisés par rapport au reste de la population.

La conclusion devrait s'écrire par elle-même : le chômage des immigrants est plus faible à Montréal que dans les autres grandes villes. Et pourtant, c'est exactement le contraire ! Notre métropole, la locomotive économique du Québec, n'a pas le luxe d'un tel échec.

Il est vrai que la productivité reste la clé pour générer plus de richesse, et que l'immigration ne constitue pas un remède miracle pour freiner la pénurie de main-d'oeuvre et le vieillissement de la population**. Mais c'est justement parce que le gain n'est pas automatique qu'il faut être plus efficace dans la sélection et l'intégration des immigrants.

Pour la sélection, Québec devrait cueillir le fruit à portée de main, les étudiants étrangers et les travailleurs temporaires. Leur intégration est déjà commencée, et donc plus facile à achever. En Australie et en Nouvelle-Zélande, ces catégories comptent pour près de 90 % des candidats sélectionnés. Au Québec, le taux n'est que de 20 %. C'est mieux qu'il y a quelques années, mais cela demeure insuffisant, surtout pour une métropole universitaire comme Montréal.

Pour l'intégration, bien sûr, les préjugés n'aident pas. Une étude de la Commission des droits de la personne a d'ailleurs démontré ce qu'on soupçonnait : si votre nom est Mohammed, votre CV a moins de chances d'être retenu***. Mais il y a plusieurs autres causes complexes.

Peut-être que les employeurs ont pris l'habitude, à l'époque où le taux de chômage était élevé, de choisir le candidat natif pour lequel on n'avait pas besoin de vérifier les diplômes et expériences à l'étranger. Peut-être aussi que les natifs plus vieux et moins scolarisés occupent déjà chez nous les postes inférieurs qui servent de porte d'entrée dans une entreprise.

Et au-delà de ces hypothèses, il y a deux sérieux problèmes qui nuisent sans aucun doute à l'intégration. Deux priorités auxquelles Québec doit s'attaquer.

Le premier est l'échec de la francisation. Même s'ils sont gratuits, les cours ne sont désormais suivis que par 40 % des nouveaux arrivants. Ils doivent être mieux promus et financés. Cela mérite d'être redit : le français est essentiel pour s'intégrer à la fois à la société et au marché du travail.

Le second est la reconnaissance des diplômes par les ordres professionnels. Il y a une culture du caprice à briser. Nous y reviendrons demain.

* Les données portent sur l'immigration économique sélectionnée par Québec, ce qui exclut les réfugiés et les autres candidats accueillis pour des raisons humanitaires.

** Lire à ce sujet L'impact de l'immigration sur la dynamique économique du Québec, une étude de Brahim Boudarbat et de Gilles Grenier.

***