Le taux de chômage du Québec est tombé à 6,2 % au mois de novembre.

6,2 %, c'est le taux le plus bas jamais enregistré au Québec depuis janvier 1976, soit depuis que Statistique Canada a commencé à produire cette série statistique. Et comme, avant 1976, les choses n'allaient pas si bien, on peut raisonnablement conclure qu'il s'agit du plus bas taux de chômage de l'histoire du Québec.

6,2 %, c'est aussi le deuxième rang des plus bas taux de chômage au Canada, où le Québec est ex aequo avec le Manitoba, derrière le 6,1 % de la Colombie-Britannique, mais devant le 6,3 % de l'Ontario.

Ce chiffre de 6,2 % est fragile. J'en reparlerai dans quelques instants.

Mais nous ne devrions pas bouder notre plaisir. Nous vivons dans une culture de rouspétage généralisé, un climat auquel les médias contribuent, moi y compris. Mais pour une fois que le Québec pète des scores, ce n'est pas mauvais de s'arrêter une minute pour le souligner, de se permettre un petit moment de satisfaction jovialiste.

Maintenant, les nuances. Ce recul spectaculaire, de 6,8 % en octobre à 6,2 % en novembre, a quelque chose d'artificiel.

D'une part, il y a moins de chômeurs parce que des milliers de personnes ont arrêté de se chercher un emploi. D'autre part, les données mensuelles sont primesautières et une variation brusque comme celle-ci peut être le résultat d'une anomalie statistique. Mais si le 6,2 % est donc peut-être un accident, le faible chômage n'en est pas un. Le 6,8 % d'octobre était déjà un record, que le Québec n'avait connu qu'une seule fois, en 2007.

Ce sont ces nuances que permet de faire un outil mis au point par l'Institut du Québec, l'Indice de l'emploi, qui tient compte du chômage, mais aussi d'autres indices comme le taux d'emploi des 25-54 ans, le chômage de longue durée, la part de l'emploi dans le secteur privé, le taux d'activité. L'IdQ conclut que « malgré un taux de chômage de 6,2 % en novembre 2016, la vigueur du marché de l'emploi québécois n'a pas retrouvé sa vigueur d'avant la récession ».Ces nuances étant faites, ces chiffres nous disent quand même que, malgré la trop lente croissance de l'économie mondiale, malgré le choc de la chute des prix du pétrole, l'économie québécoise n'est pas en pleine catastrophe conjoncturelle.

Le gouvernement Couillard voudra bien sûr s'attribuer la paternité de ce succès. Le ministre des Finances, Carlos Leitao, disait, dans un point de presse : « Donc, quand on dit que la stabilité budgétaire contribue à l'amélioration de la confiance, ce qui, par la suite, améliore la création d'emplois, je pense qu'on vient de voir aujourd'hui la confirmation de cela avec le plus beau taux de chômage depuis 1976. »

Si les gouvernements peuvent contribuer au succès économique, la création d'emplois dépend aussi d'une foule de facteurs dont ils ne sont pas responsables. Par contre, ce faible taux de chômage tout comme la création de 80 600 emplois depuis 12 mois doivent forcer les partis de l'opposition à changer de ton. Ils peuvent difficilement crier à la catastrophe avec des chiffres comme ceux-là et doivent trouver d'autres angles d'attaque, d'autres terrains de débat économique.

Les chiffres sur le taux de chômage en suggèrent certainement un. Si le taux de chômage baisse, c'est en partie à cause des changements démographiques. Au Québec, la population en âge de travailler, les 15-64 ans, a commencé à baisser en 2013, parce que le nombre de personnes qui atteignent l'âge de la retraite dépasse maintenant le nombre de jeunes qui entrent sur le marché du travail. Pour l'instant, le mouvement n'est pas spectaculaire, 20 000 travailleurs de moins depuis trois ans. Mais il est évident qu'avec moins de monde qui frappe à la porte, le taux de chômage a tendance à baisser tout seul de façon naturelle.

S'il y a un message pour le monde politique, qu'il soit au pouvoir ou dans l'opposition, c'est que le véritable défi, ce n'est pas de créer des emplois et de contribuer à la baisse du taux de chômage, mais plutôt de s'attaquer aux pénuries de personnel qui commencent à se manifester dans certaines régions, certaines industries, certaines professions.

Le défi, c'est de faire en sorte que les gens aient les qualifications que recherchent les employeurs, c'est d'accompagner les gens pour qu'ils puissent occuper les besoins disponibles.

Même avant que ces défis ne deviennent une obsession politique, il faudra tout un changement de culture, parce que c'est moins vendeur que de promettre des emplois en campagne électorale ou d'annoncer, une fois au pouvoir, des projets qui créent des emplois.