L'élection de Donald Trump continue de bouleverser les marchés obligataires et monétaires de par le monde.

Après le congé de vendredi, jour du Souvenir, investisseurs et spéculateurs ont continué d'ajuster leur portefeuille à la nouvelle donne économique et financière : le programme du président désigné américain est hautement inflationniste.

Dès lors, à quoi bon parquer ses capitaux dans une classe d'actif qui rapporte peu ? Les craintes de déflation se dissipent désormais. Place aux perspectives de rendements ouvertes par l'accélération escomptée de la croissance de la première économie du monde.

Hier, les taux sur les obligations (Treasuries) du Trésor américain venant à échéance dans 30 ans ont franchi allègrement le cap des 3 %. La veille de l'élection du candidat républicain, le taux de ces mêmes Treasuries était de 2,6 %.

Plus les taux sont élevés, moins l'est la valeur de l'obligation sur le marché secondaire. Les augmentations de taux y reflètent la perte d'appétit des prêteurs. Et vice-versa.

La déroute sur les marchés obligataires mondiaux a entraîné des pertes estimées à près de 1300 milliards US depuis une semaine.

Cet argent ne s'est pas évanoui. Les gains boursiers frôlent les 1000 milliards, la différence étant absorbée en bonne partie sur les marchés des commodités où le prix du cuivre, une valeur baromètre, a bondi.

Tous les marchés obligataires ont été touchés. Ainsi, l'obligation canadienne de 30 ans, qui rapportait 1,87 % sur le marché secondaire il y a une semaine, offrait hier 2,18 %. Cela signifie que son prix a baissé assez pour effacer plus de deux ans de rendement du coupon de 2,25 % rattaché au titre de dette.

La violence de la correction sur le marché obligataire reflète peut-être le fait que le point d'inflexion a enfin été trouvé après 30 ans de baisse quasi continue de la valeur des coupons aux États-Unis. En 1986, l'inflation rampante qui sévissait depuis la fin de la convertibilité du dollar en or en 1973 venait d'être vaincue grâce à l'augmentation sans précédent du taux directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed) alors présidée par Paul Volcker. Les taux d'intérêt ont commencé à s'alléger de manière quasi continue.

La crise financière de 2008-2009 a même poussé la Fed à fixer son taux directeur dans la fourchette de 0 % à 0,25 % durant sept ans, soit jusqu'à décembre dernier.

La crainte de la déflation, partagée par les banquiers centraux du G7 et des autres pays d'Europe occidentale, a justifié jusqu'ici des taux directeurs et obligataires exceptionnellement faibles.

L'élection de Donald Trump dissipe en partie ces craintes pour le moment. Elle redonne aux investisseurs un certain goût du risque.

Les marchés financiers ont l'habitude de réagir brutalement quand survient un point d'inflexion. La correction en cours va se poursuivre dans la mesure où se concrétisera le programme économique et fiscal du candidat républicain.

Les dépenses en infrastructures, les baisses d'impôt, la déréglementation financière et environnementale sont autant d'éléments porteurs de croissance à court terme et d'inflation dans une économie qui flirte avec le plein emploi.

À mesure qu'apparaîtront des tensions entre le Congrès, la Fed et la présidence, les marchés ajusteront leur mise. Jusqu'à quel point les républicains toléreront-ils le ballonnement du déficit et de la dette ?

Jusqu'à quel point la Fed tolérera-t-elle que l'inflation s'installe au-dessus de sa cible de 2 % ?

Jusqu'à quel point certains éléments expansionnistes du programme de M. Trump seront-ils entravés par d'autres nettement plus restrictifs comme l'attisement du protectionnisme ou la chasse aux immigrants illégaux ?

Jusqu'à quel point redonner à l'Amérique sa grandeur affaiblira-t-il davantage une économie mondiale déjà léthargique ?

Voilà autant d'éléments qui nourriront les mouvements sur les marchés obligataires au cours des prochaines semaines, une fois mieux comprise la signification du vote de la semaine dernière. Cela pourrait prendre encore quelques jours.

Infographie La Presse