La chose n'est pas encore très connue et n'a pas été remarquée par le grand public, mais le premier ministre Philippe Couillard, plutôt discret d'habitude, a décidé de prendre en main lui-même l'autopromotion de son gouvernement.

Ces deux dernières semaines, le gouvernement libéral a mis en ligne, sur le site officiel du premier ministre, des vidéos intitulées « bilan de la semaine » dans lesquelles M. Couillard vante les actions de ses ministres, leurs projets de loi, leurs annonces, tout en écorchant au passage l'opposition.

Dans la première vidéo, diffusée le 23 octobre, Philippe Couillard commence son bilan de la semaine en soulignant que « le nouveau chef du Parti québécois a accusé [son] gouvernement d'être centralisateur et de ne pas tenir compte de la réalité des régions ».

« Et pourtant... », reprend Philippe Couillard, énumérant pendant une minute, trente secondes toutes les apparitions et annonces de ses ministres en région.

Le premier ministre a remis ça samedi, y allant d'un autre bilan de la semaine dans lequel il louange les ministres Carlos Leitao (mise à jour économique et surplus), Dominique Anglade (politique d'exportation), Lucie Charlebois (prévention en santé), Hélène David et Sébastien Proulx (consultation en éducation), Lise Thériault (lutte contre la violence sexuelle) et David Heurtel (parc automobile électrique à Québec).

En politique comme ailleurs, on n'est jamais mieux servi que par soi-même, et les libéraux, qui se plaignent souvent de ne pas recevoir la couverture médiatique qui devrait leur revenir, ont décidé de se charger eux-mêmes de promouvoir leurs actions. Ça rappelle un peu les fameuses capsules « 24/7 » de l'ex-premier ministre conservateur Stephen Harper, en moins long et en moins dégoulinant d'autocongratulation. Ces vidéos sont relayées sur les pages Facebook et Twitter du premier ministre.

Rien de spectaculaire pour qui, surtout parmi les plus jeunes, vit et navigue dans cette ère des médias sociaux, mais pour le gouvernement libéral, c'est une petite révolution.

Pendant la dernière course à la direction du Parti québécois, les conseillers de Philippe Couillard cachaient mal leur frustration de voir qu'une simple proposition mise de l'avant par un candidat à la direction d'un parti de l'opposition attirait plus l'attention des médias que les annonces gouvernementales. À deux ans des prochaines élections, les libéraux ont décidé de mettre toute la gomme pour leurs relations publiques, y compris en multipliant les apparitions de ministres en région.

En matière de communication, le gouvernement Couillard fait, il faut bien le dire, piètre figure. La semaine dernière aura toutefois démontré, encore une fois, la capacité surprenante et pratiquement infinie de rebondir des libéraux. Même lorsqu'ils traversent une mauvaise passe, les libéraux arrivent toujours à appuyer sur le bouton « reset ».

Prenez cette histoire de surplus budgétaires confirmés par le ministre Carlos Leitao. L'utilisation des surplus, expliquée à grand renfort de publicité dans les médias la fin de semaine dernière, a été présentée comme un réinvestissement responsable du gouvernement en santé et en éducation, alors qu'elle repose en réalité sur un non-respect d'engagement électoral.

Ce devait être, selon le cadre financier présenté en campagne électorale : 50 % des surplus à la dette et 50 % en baisse d'impôts. Finalement, ce sera 100 % au rafistolage des missions de l'État ravagées par les compressions des deux dernières années avec, dans les faits, une augmentation du fardeau fiscal pour les familles québécoises.

Objectivement, cela aurait dû être une mauvaise semaine pour le gouvernement Couillard, qui s'est pourtant sorti sans trop de mal de deux autres affaires embarrassantes : les allégations de viol et la réputation de Gerry Sklavounos et le remboursement de 500 000 $ d'argent « sale » reçu en contributions par le PLQ.

Pourtant, les libéraux ne sont pas des génies de la communication. Pourtant, les stratégies budgétaires et les manoeuvres préélectorales sont cousues de fil blanc.

Il doit bien y avoir autre chose qui explique la résistance des libéraux. La division du vote nationaliste, entre le Parti québécois et la Coalition avenir Québec, et la dispersion relative des forces souverainistes expliquent en partie la bonne fortune des troupes libérales.

Il y a autre chose : un gouvernement tire toujours sa force de la faiblesse des partis de l'opposition. De toute évidence, François Legault n'arrive toujours pas à percer le mur de l'indifférence entre son parti et l'électorat, même lorsqu'il devrait « scorer ». Le débat autour des « patates en poudre » en est un bon exemple.

Quant à Jean-François Lisée, il a bousillé une semaine facile en s'obstinant à dire que le premier ministre devait être au courant de l'affaire Sklavounos.

Nul besoin, pour le gouvernement, de faire diversion lorsque l'opposition officielle le fait à sa place.