Depuis plusieurs mois déjà, on affirme que l'économie canadienne ne peut que prendre du mieux, compte tenu surtout de l'accélération probable de la croissance américaine en seconde moitié d'année.

Même si le rythme d'expansion de notre grand voisin a atteint 2,6 % en 2015, l'automne dernier a été marqué par une nette décélération. En fait, depuis maintenant trois trimestres, le rythme annualisé de la croissance est inférieur à 1,5 %.

Les récents indicateurs économiques ne permettent pas d'entrevoir le rebond prochain tant souhaité, sinon escompté.

La publication, hier, de l'ISM non manufacturier a semé la consternation, même chez les esprits les plus modérés. L'indice des directeurs d'achat est passé de 55,5 en juillet à 51,4, son niveau le plus bas depuis février 2010. La prévision la plus faible des économistes sondés par l'agence Bloomberg était de 52,6.

S'il est vrai qu'il faut plus qu'un mauvais mois pour dessiner une tendance, on remarquera que le recul d'août est le troisième enregistré au cours des quatre derniers mois.

Rappelons que la marque 50 représente le point de bascule entre l'expansion et la contraction.

La semaine dernière, la publication de l'ISM manufacturier avait déjà créé un certain émoi à 49,4, son point le plus bas en huit mois.

La faiblesse de l'ISM non manufacturier, qui représente presque 90 % de l'économie, est beaucoup plus préoccupante que celle de son petit jumeau. Sept des dix-huit industries qui le composent étaient en contraction, contre cinq en juillet, et pas les moindres : agriculture, foresterie, construction, extraction minière, transport et entreposage, commerce de gros et de détail, culture et loisirs, services divers.

Les nouvelles commandes ont baissé de 8,9 points à 51,4. Il s'agit de la plongée mensuelle la plus vertigineuse depuis janvier 2008. La production présente recule aussi de 7,5 points, la chute la plus prononcée depuis novembre 2008.

(La Grande Récession américaine s'est déroulée de décembre 2007 à juin 2009, selon le National Bureau of Economic Research.)

Ces mauvais chiffres s'ajoutent aux données décevantes sur la création d'emplois en août (151 000 salariés non agricoles), au plafonnement des ventes de voitures, à la faiblesse du taux d'épargne, à l'augmentation de 4,3 % des coûts unitaires de main-d'oeuvre, à la troisième baisse trimestrielle d'affilée de la productivité et surtout à la faiblesse persistante des investissements des entreprises en machinerie et équipement.

La variation annuelle des investissements est même en diminution annuelle pour la première fois du millénaire, hors récession.

L'économie américaine reste malgré tout en croissance, grâce à la résilience de la consommation des ménages dont les dépenses représentent 70 % environ de la taille de l'économie.

Avec la faiblesse des exportations qui sont entravées par la vigueur du billet vert, un rythme annualisé d'expansion d'au moins 3 % en seconde moitié d'année paraît de plus en plus comme un objectif ambitieux, même si un rebond estival n'est pas à exclure.

Tout comme au Canada, il est bien possible que l'automne qui s'amène en douce apporte une nouvelle décélération avec lui, toutefois.

C'est en tout cas le scénario privilégié par la Banque Nationale qui ramène de 1,9 à 1,6 % sa prévision de croissance de l'économie américaine cette année. Pour l'an prochain, c'est 2,0 %.

La nouvelle prévision de la Nationale se rapproche de celle de BMO, qui parie sur 1,5 %, soit un demi-point de moins que celle faite par la Banque du Canada en juillet.

Il sera d'ailleurs intéressant de voir comment les autorités monétaires canadiennes apprécieront les dernières données américaines dans le communiqué annonçant ce matin la reconduction du taux directeur à 0,5 %, en place depuis 14 mois.

Ces mêmes indicateurs vont sans doute aussi refroidir les faucons au sein du Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine. Il y a de moins en moins de parieurs pour un relèvement de la fourchette d'évolution du taux directeur dans deux semaines. Il y a deux semaines à peine, leurs rangs grossissaient. Ceux qui croient encore à un relèvement cette année s'en remettent à décembre, si d'ici là les indicateurs reflètent plus de ressort de l'économie et, surtout, des attentes inflationnistes.

Infographie La Presse