Le premier débat regroupant les quatre aspirants chefs du Parti québécois (PQ), mardi à l'Université de Montréal, aura été somme toute assez poli, mais quelques échanges et plusieurs questions sans réponse laissent entrevoir une fin de course plus musclée et, surtout, beaucoup de raccommodage en vue pour le successeur de Pierre Karl Péladeau.

Lors de la dernière course à la direction du PQ, il y a près de 18 mois, les candidats avaient aussi débattu à l'invitation de la Commission nationale des jeunes du PQ. À ce moment-là, c'est Alexandre Cloutier qui avait été le plus chaleureusement applaudi par un auditoire principalement composé d'étudiants. (Il y avait aussi Martine Ouellet, Pierre Céré, Bernard Drainville et PKP, mais celui-ci par la magie des ondes, puisqu'il n'était pas à Montréal.)

Hier, cet honneur est revenu à Paul St-Pierre Plamondon, très à l'aise dans son alma mater et pas du tout intimidé de se retrouver sur la même scène que trois députés aguerris. Pour ce jeune avocat devenu politicien il y a à peine trois mois, comme il l'a dit lui-même hier, il s'agissait de l'examen de passage dans cette course, et il l'a réussi haut la main.

L'exercice a été plus rude pour Alexandre Cloutier, ce qui est parfaitement normal pour le meneur présumé de toute course à la direction d'un parti.

Les deux principales charges sont venues de Martine Ouellet, qui a sommé M. Cloutier d'expliquer pourquoi il a voté en février dernier en faveur des trois forages à Anticosti, et de Jean-François Lisée, qui lui a demandé comment il évaluera l'appétit référendaire des Québécois pour décider, six mois avant le prochain scrutin, s'il promettra ou pas un référendum dans un premier mandat.

Jean-François Lisée, qui n'avait pas mardi sa superbe des beaux jours (visiblement, il essaye de casser cette image de gars hautain et condescendant), en a rajouté en point de presse, après le débat. « Moi, j'ai beaucoup réfléchi pour proposer des solutions aux problèmes du Québec et toutes mes propositions sont sur mon site internet, a-t-il dit. Je suis retourné ce matin [hier] sur le site d'Alexandre pour voir par quel mécanisme il compte prendre sa décision, et je n'ai rien trouvé. »

Il est vrai que la position de M. Cloutier sur la tenue d'un éventuel référendum est quelque peu floue et qu'elle ouvre la porte aux critiques. S'il est élu chef du PQ, le jeune député de Lac-Saint-Jean s'engage à dire aux électeurs, six mois avant les élections d'octobre 2018, s'il s'engage, ou non, à tenir un référendum dans un premier mandat. La question, restée sans réponse malgré l'insistance de Jean-François Lisée, est : comment prendra-t-il cette décision  ? Basée sur quoi ? En consultation avec qui ?

À propos d'Anticosti, les esquives de M. Cloutier aux questions répétées de Martine Ouellet ont provoqué quelques murmures désapprobateurs dans la grande salle. En point de presse, Mme Ouellet a toutefois eu bien du mal à expliquer pourquoi elle avait accepté l'entente avec Pétrolia lorsqu'elle était ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement Marois. Elle a jeté le blâme sur Pauline Marois, qui les a « mis devant le fait accompli », s'est-elle défendu.

Alexandre Cloutier, quant à lui, a eu un débat correct, sans faux pas grave, mais on l'a déjà vu offrir de meilleures performances.

Sa position référendaire n'est pas son seul problème. Il doit aussi se méfier de sa grande assurance, qui s'approche parfois d'une certaine arrogance. Montrer ses adversaires du doigt sans même les regarder et leur répondre avec condescendance qu'ils devraient comprendre ce qu'il dit ou propose, c'est généralement mal vu par les militants.

Sur la question référendaire, les réponses de Martine Ouellet sont d'une inattaquable limpidité : un référendum, assurément, sur l'indépendance du Québec, dans le premier mandat.

(Mme Ouellet évoque souvent les « six ans devant nous », ce qui suppose la tenue d'un référendum à la fin d'un premier mandat, en 2022.)

Dès les premières secondes du débat, Mme Ouellet a mis cartes sur table en présentant ses trois adversaires comme les candidats de l'ambigüité qui veulent repousser l'indépendance aux calendes grecques. « Je vous le dis tout de suite : si c'est votre choix, ne votez pas pour moi  ! », a-t-elle lancé.

Pour Martine Ouellet, que certains péquistes voient déjà démissionner en cas de défaite ou même quitter le PQ pour devenir la première députée d'Option nationale, il est « absurde » que le PQ ne parle pas de son projet.

Les échanges ont été vifs entre Mme Ouellet et MM. Lisée et Cloutier, qu'elle a qualifiés de «  provincialistes  ». Elle a poussé le bouchon un peu plus loin en accusant Jean-François Lisée de reprendre « les arguments de la peur » en disant que le PQ risque de se casser la gueule en précipitant le référendum ou que 86 % des Québécois ne veulent pas en entendre parler dans un premier mandat.

Après le débat, devant les journalistes, M. Lisée a répliqué à Martine Ouellet en lui disant qu'« on ne change pas la réalité en la niant ». Le député de Rosemont est persuadé que la promesse immédiate d'un référendum par le Parti québécois représente un ticket pour la réélection du Parti libéral.

Contrairement à la dernière course, qui est encore fraîche à l'esprit des militants, il n'a pas été question mardi (ou si peu) d'identité ou de valeurs québécoises. La mécanique référendaire, par contre, occupe encore beaucoup de place, au risque de refaire tomber le PQ dans ses vieux débats qui, il faut bien le dire, rebutent bon nombre d'électeurs québécois.