Vendredi matin, analystes financiers, investisseurs et spéculateurs passeront au peigne fin le discours peut-être trop attendu de la présidente de la Réserve fédérale.

Janet Yellen entend décrire ce que contient la boîte à outils monétaires de la banque centrale américaine, mais on cherchera surtout le moindre indice pouvant suggérer quand la Fed augmentera la fourchette d'évolution de son taux directeur. Depuis décembre, elle se situe entre 0,25 et 0,5 %.

Les parieurs évaluent à une chance sur trois que cette hausse soit annoncée le 21 septembre. Une proportion plus élevée juge que ce sera le 14 décembre seulement, après l'élection présidentielle du 8 novembre. Une autre fraction est d'avis que ce ne sera pas cette année.

S'il est si difficile de prédire le comportement de la Fed, c'est que les membres de son comité de politique monétaire, le FOMC, peuvent s'exprimer librement entre les réunions de fixation du taux directeur. Ils ne se privent pas de ce droit, ce qui donne l'impression que la Fed devient une immense tour de Babel monétaire.

En principe, ce sont les indicateurs économiques qui détermineront le moment où la Fed donnera son prochain tour de vis. En juillet, le taux de chômage était à 4,9 %, ce qui laisse croire que les États-Unis se rapprochent du plein emploi, un des deux mandats de la Fed.

Quant à la stabilité des prix, son autre mandat, le taux annuel d'inflation mesuré par l'indice des dépenses personnelles de consommation se situe à 0,9 % seulement. La Fed vise 2 % à moyen terme. Jusqu'à quel point s'y rapproche-t-on est matière à débat, un débat qui divise les membres du FOMC.

À BOUT DE SOUFFLE

Mme Yellen prend la parole au symposium annuel de Jackson Hole, au Wyoming, organisé par la Réserve régionale de Kansas City depuis 1978. Le thème de cette année,  « Concevoir un cadre de politique monétaire robuste pour l'avenir », illustre combien les banquiers centraux sont à bout de souffle alors que l'économie mondiale reste encore fragile, sept ans après la fin de la Grande Récession. Jusqu'ici cette année, le commerce mondial est en baisse par rapport à l'an dernier et les gouvernements préfèrent panser leurs plaies plutôt que d'investir dans l'avenir.

On se retrouve devant une situation aberrante : tandis que les banques centrales épuisent les remèdes pour stimuler le crédit chers à l'économiste John Maynard Keynes, les États s'en tiennent aux prescriptions néolibérales de rigueur budgétaire. Bref, la main droite annihile les efforts de la gauche.

Chose certaine, et c'est peut-être là que le discours de Mme Yellen livrera les meilleures indications du cheminement de la Fed, les banques centrales ne disposent plus d'autant de moyens qu'avant la Grande Récession.

La plupart d'entre elles ont abaissé leur taux directeur près de zéro. Quelques-unes s'aventurent même dans les eaux incertaines des taux négatifs.

Les différentes mesures de détente quantitative, avec ou sans activation de la planche à billets, n'ont plus la même efficacité qu'au moment où elles ont été lancées par la Fed et la Banque d'Angleterre, en 2009.

Elles ont pour but de stimuler le crédit en incitant les banques commerciales à prêter et en infléchissant les taux d'intérêt obligataires à long terme.

Les premières préfèrent parquer leurs réserves dans leurs banques centrales, au point où celles de la zone euro et de Suisse leur imposent désormais des frais de dépôt au lieu de leur verser des intérêts.

Les seconds sont maintenant à des creux historiques. Une obligation du Trésor américain rapporte 1,55 % à ses détenteurs, ces jours-ci. Un gilt britannique de même échéance offre un rendement de seulement 0,55 % tandis qu'il faut payer 0,09 % pour détenir un bund allemand ! À quoi bon chercher à infléchir les taux, alors ?

Il y a d'autres effets pervers à la détente quantitative. Les faibles taux d'intérêt incitent les grandes entreprises à emprunter pour racheter leurs actions afin d'en gonfler artificiellement le cours. Entre-temps, elles diminuent leurs investissements. Taxer les dépôts incite les détenteurs de capitaux à thésauriser au lieu d'investir ailleurs que dans d'immenses coffres-forts !

Voilà pourquoi quelques savants économistes croient qu'il faut penser à augmenter la cible d'inflation ou à inclure d'autres prix que ceux liés à la consommation dans son calcul : les biens industriels ou les actifs financiers et immobiliers, par exemple. Ce qui naguère aurait été qualifié d'hérésie permettrait de combattre les risques de déflation en donnant plus de souplesse dans la gestion de la politique monétaire.

Sur papier, c'est peut-être séduisant, mais peut-être faudrait-il davantage insister sur les bienfaits de politiques fiscales expansives.

Mme Yellen s'en abstiendra sans doute à deux mois et demi de l'élection...

Infographie La Presse

Sources : Banque Nationale, Bloomberg, FMI