Nous pensions la Charte des valeurs partie et voilà qu'elle revient avec un nouveau visage et de nouveaux chantres.

Elle change de nom pour s'appeler burkini et elle change de porte-drapeau, mais les impacts sont les mêmes : division, négation de certains membres de la société et de leurs contributions, agression verbale, encouragement de l'intolérance.

Certains pensent qu'en rajoutant le mot radical au mot islam, tout ce qui est dit devient constructif. Que les musulmans se sentiront bien et partie prenante du débat. J'ai des nouvelles pour vous : ce n'est pas le cas. Le mot radical est filtré par toutes les oreilles, de tous les côtés. Ce qui reste, c'est ce que nous avons vu et entendu il n'y a pas si longtemps. À force de marcher la tête rentrée dans les épaules pour éviter les coups, une partie de notre société a tout le corps qui lui fait mal maintenant. Cela donne des envies de crier tellement tout cela paraît injuste.

Encore une fois, ce n'est pas d'avoir un débat qui est pénible et blessant, c'est le ton que certains, politiciens en l'occurrence, utilisent : insensible, virulent, agressif, accusateur, non constructif.

L'adresse ne se fait pas vers tous les Québécois dans une invitation à réfléchir, elle se fait vers un électorat à gagner, niant en même temps l'existence de ceux qui sont directement concernés et qui pourraient contribuer constructivement. Le calcul électoraliste, encore une fois, gère ou plutôt attaque l'harmonie sociale.

Encore une fois, un non-débat qui se passe de l'autre côté de l'Atlantique s'invite ici, occultant toutes les différences entre les sociétés. La France n'a pas pu, mais plus justement n'a pas su gérer cette partie d'elle-même qu'est l'immigration musulmane, et malgré la clairvoyance de plusieurs de ses intellectuels, sa classe politique en mal d'électeurs s'obstine à utiliser la répression comme seul outil pour régler ses problèmes. Voulons-nous ressembler à ça ?

Le rapport sur la radicalisation tombe à point. Une de ses conclusions fait justement référence au terrain très favorable qu'un climat comme celui autour de la Charte des valeurs installe pour les agents de la radicalisation. Les familles musulmanes n'avaient pas vraiment besoin de ce rapport pour le savoir. Elles avaient déjà entendu le cri de la communauté musulmane outre-Atlantique. Le même pays qui exporte ces hargnes a déjà blessé profondément ses propres communautés en faisant émerger une génération qui a vu ses parents humiliés et qui ne veut pas subir le même sort.

Cette génération déteste, critique et dénigre tout ce que le pays propose. Elle s'isole, s'oppose, conteste, se marginalise et se campe dans une position de déni quant à la responsabilité de certains de ses membres dans ce qui s'est passé lors des récents incidents sanglants. Elle élabore une théorie du complot devant tous ces événements, reflet du fossé qui la sépare de la communauté majoritaire quand on parle de confiance. C'est dire que nous sommes loin de voir les choses changer.

Une société protège ses membres, tous ses membres, et en retour, ces derniers la protègent. Le meilleur rempart, en fait le seul, devant la radicalisation, la meilleure police devant le passage à l'acte, est la communauté d'où se réclament ceux qui peuvent faire mal.

Cette communauté citoyenne, respectée, fière et responsable refusera qu'en son nom des choses se passent. Elle parlera, elle dénoncera, elle agira et ira jusqu'à se sacrifier.

Elle est chez elle et ne permettra pas qu'on lui fasse du mal en même temps que le reste de la société. Construire sur ces communautés, c'est construire l'avenir. C'est refuser d'humilier une génération et se retrouver à ne pas comprendre ce que la suivante fait. Le discours de radicalisation s'invite aussi ici ; il ne faudra pas lui fournir le terreau fertile dont il a besoin.

Ceci n'est pas un cri de colère pour un burkini, mais un cri de désespoir pour un vivre ensemble. S'il vous plaît, ne brisez pas ce qui a été si durement construit : de l'espoir pour nos enfants et un avenir pour notre société, tous les membres de notre société.