J'ai franchement rigolé quand j'ai lu le début de l'article du quotidien Le Monde qui a inspiré à ma collègue Olivia Lévy son excellent dossier sur les super mamans.

«On la croyait disparue, la femme en robe pastel et aux cheveux figés qui, en attendant le retour de son mari et de ses enfants, préparait des gâteaux dans une cuisine immaculée...»

Vous l'avez connue, vous, cette mère?

La mienne était autrement plus normale!

Quant à moi, je ne crois pas ressembler à la mère parfaite dont Le Monde annonce le retour. Je ne suis pas tout le temps en voyage. Encore moins en réunion. Il m'arrive de faire du yoga, mais je ne trône pas, «gracieuse et souriante, dans un intérieur où la vaisselle est délicate, les fleurs fraîches, les tapis berbères, le canapé scandinave et les brioches "home made"». Je suis toutefois #happy et #comblée, pas toujours #épanouie, mais je ne le clame pas avec force à coup de hashtags et de photos sur Instagram.

Mes enfants vous le diraient: je suis loin d'être parfaite (pas toujours, en tout cas, selon ma fille) et quand bien même je voudrais, je ne le pourrais pas. J'ai mille défauts: je suis impatiente, exigeante, jamais satisfaite, parfois autoritaire, je travaille trop, je suis souvent absente, je ne cuisine pas ou peu, ma maison est en désordre, les chambres des enfants, je n'ose même pas en parler.

Nathalie Petrowski est encore moins parfaite que moi! C'est la définition même de la mère imparfaite.

D'abord, elle ne voulait pas d'enfants. Puis, elle en a eu un par accident. À son grand étonnement, elle a plongé dans la maternité avec bonheur. Mais elle croit qu'elle a tous les défauts et qu'elle ne fait rien comme il faut. Je le sais, je la connais depuis pas mal d'années et j'ai lu son roman Maman Last Call, adapté au cinéma en 2005, dans lequel elle relate les angoisses existentielles d'une journaliste qui tombe enceinte sur le tard.

Pour cette chronique sur le retour annoncé de la mère parfaite, j'ai pensé que ce serait drôle d'échanger avec une mère imparfaite qui s'assume. Nathalie a gentiment accepté mon invitation. C'est même elle qui a trouvé l'endroit, le Plan B, avenue du Mont-Royal, où nous avions rendez-vous mercredi après-midi.

Pendant une petite heure, devant une bière, nous avons parlé de nos mères, pas parfaites du tout, des difficultés d'élever un enfant, de le rassurer, de lui donner confiance et de l'aimer du mieux qu'on peut.

«J'ai pas eu de mère, m'a-t-elle dit. J'aimais la mère de la voisine qui, elle, avait l'air parfaite, mais qui dans les faits ne l'était pas. Ma mère était un modèle d'émancipation, mais un modèle d'émancipation, ça ne fait pas une bonne mère. Elle ne t'attend pas à la maison, elle ne s'occupe pas de toi, elle ne t'aide pas à faire tes devoirs. Mais j'avais une grande complicité avec ma mère. Ce n'était pas ma mère. C'était ma grande soeur.

- As-tu déjà cherché la perfection en tant que mère?

- Rien de plus plate et de plus morne que la perfection. De toute façon, la perfection n'est pas de ce monde! La mère parfaite n'a jamais existé, ni dans les années 60 ni aujourd'hui. Ce qui ne m'a pas empêchée de me poser des questions... En temps de crise, et il y en a des crises, tu te poses des questions. Pourquoi c'est comme ça? Qu'est-ce que j'ai fait?

- J'ai donc raison de dire que tu es une mère imparfaite?

- Complètement! Oui, oui, oui, je le suis. Si j'ai joué une fois avec mon fils, ça a duré 30 secondes. Les Lego, non, excuse-moi. J'ai jamais fait de devoirs avec lui, je comprenais rien. Sauf que ça n'a pas donné des résultats désastreux. Avec toutes mes imperfections, mes failles, mes défauts, mes faiblesses, mes lacunes, j'ai une super relation avec mon fils. Bon, peut-être une trop bonne relation! Il est encore à la maison à 25 ans!

- Ton fils serait d'accord avec toi?

- Oui, il me l'a dit, hier, parce que je lui ai demandé. Il m'a dit: "Maman, des mères, j'en connais pas d'autres, je peux pas comparer. Pis, je trouve que t'as une super relation avec ton fils. De quoi tu te plains?" Je lui ai dit: "Oui, mais je n'étais pas une bonne mère, tu voulais toujours qu'on cuisine, je ne te faisais pas des petits biscuits, je ne t'attendais pas après l'école." Il s'en fout.»

Vous voyez, non seulement la mère parfaite n'existe pas, les enfants n'en veulent pas. Pas plus dans les années 60, où elle était une invention sexiste des publicitaires, qu'aujourd'hui où elle vit sa vie de mère moderne, active, sportive et libérée sur les réseaux sociaux. Cette nouvelle mère est aussi fausse que l'ancienne. Elle aussi fait semblant d'exister. La vraie n'est pas plus parfaite que Nathalie et moi.

«On t'adore, maman, mais tu ne peux pas être parfaite, m'ont dit mes enfants. La perfection, ça n'existe pas. Être une mère, c'est compliqué.»