Les stratèges du Parti québécois ont sans doute eu l'impression d'avoir une bonne idée en fixant au 7 octobre prochain le moment où ils choisiront leur prochain chef. En se disant que, pendant des mois, ils jouiraient d'une visibilité qu'ils n'ont pas dans le rôle ingrat d'un parti d'opposition.

Mais la visibilité est une arme à double tranchant. Quand on braque les projecteurs sur un visage, comme on l'a découvert avec la télévision à haute définition, on met aussi en relief les rides, les cicatrices et les défauts que la pénombre peut masquer.

Ça fait à peine deux semaines que la course à la direction est lancée, et je me demande déjà comment on va résister quatre longs mois à ce spectacle assez triste où les prétendants au trône étalent le profond désarroi dans lequel se trouvent leur parti et leur option. Comme 68 % des Québécois voteraient non à un référendum, je suis pas mal sûr qu'un très grand nombre de Québécois pensent la même chose.

La goutte qui a fait déborder le vase, c'est certainement l'idée loufoque de l'ex-ministre des Finances Nicolas Marceau, qui promettrait un référendum dans un premier mandat portant sur deux options, la souveraineté et le fédéralisme renouvelé.

Ce projet, en plus de supposer qu'Ottawa accepterait de soumettre une proposition de changement du fédéralisme, laisse entendre que des nationalistes non souverainistes voteraient pour le PQ pour le simple plaisir de pouvoir appuyer le fédéralisme renouvelé lors d'un référendum. En oubliant que ce que veulent les Québécois qui ne sont pas des souverainistes convaincus, c'est de passer à autre chose.

Cette idée absurde de M. Marceau s'ajoute aux quatre chemins que proposent déjà les quatre candidats. Jean-François Lisée se donne six ans, la fin du mandat libéral et un premier mandat péquiste, pour préparer un référendum gagnant. Alexandre Cloutier mise sur huit chantiers portant sur divers volets du projet souverainiste - éducation, économie etc. - dont les résultats lui permettraient de voir avant les prochaines élections si les appuis sont suffisants pour lancer ou non un référendum. Véronique Hivon, quant à elle, refuse de parler de référendum pour plutôt parler d'indépendance, mais nous dirait ce qu'elle entend faire six mois avant les élections. Martine Ouellet, enfin, foncerait, avec un référendum dans un premier mandat.

Il y a un point commun à toutes ces approches. Chaque candidat tente de répondre maladroitement à une question que personne n'ose poser tout haut. Que faire quand il est clair que le PQ ne peut pas recueillir un appui majoritaire pour l'indépendance ?

Le dernier sondage CROP-La Presse montrait la semaine dernière qu'à peine 32 % des Québécois voteraient pour la souveraineté. Moins du tiers ! Curieusement, l'appui a même chuté depuis le déclenchement de la lutte à la direction, comme si le fait d'en parler davantage avait un effet repoussoir. Ces chiffres nous disent que si le PQ promet un référendum dans un premier mandat, il se fera laver aux prochaines élections. Et s'il n'écarte pas clairement cette hypothèse, il se fera laver aussi.

Cette évidence, on ne peut pas vraiment la formuler de façon claire dans un débat à la direction du PQ, même si, au bout du compte, à l'exception de Mme Ouellet, tous les candidats proposent, sans l'avouer clairement, des stratégies qui reviennent vraisemblablement à reporter la tenue d'un référendum à un avenir lointain. Tout le monde le sait. Et cela contribue à conférer un caractère surréaliste au débat.

Plus profondément, la constance des appuis faibles au projet souverainiste indique qu'une victoire de cette option est impossible pour de très nombreuses années.

Est-ce que cela signifie qu'une victoire ne sera jamais possible ? On ne peut pas dire jamais. Mais ce qui me paraît probable, c'est que le cycle amorcé dans les années 60 est terminé, et que la version du projet souverainiste issue du RIN et du PQ est très probablement vouée à l'échec.

Les penseurs du Parti québécois ne peuvent pas non plus faire l'analyse de cette impasse historique ni réfléchir à la question qu'elle soulève. Que faire quand ils savent que les Québécois refusent de les suivre sur le chemin de l'indépendance, à part vouloir foncer dans un mur, comme Martine Ouellet ?

La réponse raisonnable, ce serait de miser sur l'autre pilier de ce grand parti, sa tradition sociale-démocrate. Sans renier sa raison d'être, mais en la décrivant pour ce qu'elle est devenue, un idéal lointain plutôt qu'un projet. Comme l'écrivait hier Joseph Facal dans Le Journal de Montréal : « La plus belle contribution du prochain chef ne sera pas de réaliser la souveraineté, mais de s'assurer que la fenêtre ne se refermera pas pour toujours. »

À défaut de ce genre de réflexion, parce que la nature a horreur du vide, on a droit à des insignifiances comme la proposition de Nicolas Marceau.