Les incendies de forêt qui ravagent les environs immédiats des champs de sables bitumineux ont un impact tel qu'ils annuleront les contributions de toutes les autres industries à la croissance canadienne du printemps.

Telle est l'évaluation qu'en fait la Banque du Canada dans un communiqué diffusé hier matin. Elle y annonce aussi la reconduction à 0,5 % du taux cible de financement à un jour. Ce taux directeur est en place depuis juillet.

« Le deuxième trimestre sera beaucoup plus faible que prévu en raison des incendies dévastateurs en Alberta », préviennent les autorités monétaires. Dans cette évaluation préliminaire, la Banque estime que cette catastrophe amputera de 1,25 point de pourcentage la croissance du produit intérieur brut réel pour la période d'avril à juin. Contrairement à son habitude, elle ne précise pas s'il s'agit d'un taux annualisé, bien qu'on doive le présumer.

Dans son Rapport sur la politique monétaire publié en avril, la Banque avait pronostiqué un taux de croissance trimestriel annualisé de 1 %. Si son estimation n'a pas changé depuis, alors l'activité économique reculera durant le printemps. La contraction sera concentrée au mois de mai.

Cette estimation va dans le sens de celles des prévisionnistes du secteur privé. Les plus pessimistes d'entre eux poussent la contraction trimestrielle annualisée jusqu'à 1 %.

La reprise de l'exploitation des champs pétrolifères, prévue pour juin, jumelée aux efforts de reconstruction de Fort McMurray et aux investissements fédéraux prévus dans les infrastructures, devrait ranimer la production dès juin et surtout durant l'été. La Banque, comme la plupart des prévisionnistes, s'attend à un rebond de la croissance de juillet à septembre.

Pour le premier trimestre, la Banque estime que les indicateurs publiés jusqu'ici semblent montrer que le rythme d'expansion a été « conforme à la projection » annualisée d'avril, soit 2,8 %. On en aura le coeur net la semaine prochaine avec la publication des comptes nationaux par Statistique Canada.

Encore une fois, la Banque constate à regret que les ajustements de l'économie canadienne au choc pétrolier se poursuivent de manière erratique. Elle se montre en particulier déçue par la faiblesse des investissements des entreprises.

Par omission ou par volonté de rester succincte, la Banque ne souffle mot du commerce extérieur hors ressources. Outre les investissements, c'est pourtant l'autre élément sur lequel elle compte pour relayer le secteur de l'énergie comme moteur de l'augmentation de l'activité économique.

En février et mars, le déficit du commerce international de marchandises s'est considérablement alourdi. Certes, le rythme d'expansion de l'économie américaine a ralenti durant l'hiver, mais la faiblesse passée des investissements est sans doute aussi en cause.

La Banque réitère sa confiance dans la robustesse de la croissance américaine, mais constate que « les vulnérabilités du secteur des ménages [canadiens] se sont accentuées ». De plus en plus d'observateurs affirment que la surchauffe observée à Vancouver et à Toronto est animée par des capitaux étrangers, comme c'est le cas dans quelques villes américaines où les Chinois sont pointés du doigt.

Le choc pétrolier a plongé l'Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador en récession et détérioré leurs finances publiques. Avant même le début des incendies aux abords des sables bitumineux, Ottawa était venu en aide à Edmonton, aux prises avec un déficit budgétaire colossal. Hier, c'était au tour de T.-N.-L. d'obtenir un coup de pouce fédéral. Ottawa reporte de cinq ans le remboursement progressif de paiements en trop de 267 millions au chapitre de la péréquation. Cet accord permet à St. John's de diminuer l'impôt spécial consacré à la réduction de son déficit, introduit dans le dernier budget.

Ce développement montre encore que l'économie canadienne est loin d'avoir absorbé le choc pétrolier, même si la Banque a diminué d'un demi-point de pourcentage son taux directeur l'an dernier et même si le dollar canadien s'échange contre 76 cents américains environ ces jours-ci, conformément à l'hypothèse faite par la Banque en avril.

En revanche, les risques entourant sa projection du rythme d'inflation restent équilibrés, ce qui justifie la reconduction du taux directeur qui pourrait bien ne pas bouger avant tard l'an prochain.

La prochaine date de fixation du taux directeur est le 13 juillet.