S'il y avait eu moins d'amateurs de baseball au Stade cette année, on parie combien que ça aurait été le branle-bas de combat à l'hôtel de ville ? En moins de deux, on aurait fait retentir l'alarme, mis sur pied une cellule de crise, pondu un plan de com'.

Mais là, avec l'annonce faite jeudi dernier par la Société de transport de Montréal (STM), on parle « juste » de transports en commun. Y a « juste » eu un tout petit peu moins de monde dans le bus et le métro l'an dernier. À peine 0,9 % de clients en moins.

Donc on ne s'énerve pas. Y a rien là. On ne parle même pas de diminution de l'achalandage, mais bien de « stagnation ». Car selon le patron de la STM, Montréal aurait simplement « stabilisé son niveau d'achalandage » en 2015.

Un peu plus et Philippe Schnobb se félicitait...

Or, la STM n'a pas « stabilisé » sa clientèle, elle a plutôt brisé l'élan qu'elle connaissait jusque-là. Elle a mis fin à une augmentation continuelle de la clientèle depuis 11 ans. Elle a raté l'objectif d'achalandage qu'elle atteignait presque systématiquement ces dernières années.

Ce n'est pas un détail, ce n'est pas une fluctuation dans « la marge d'erreur ». La Société de transport a déplacé 413,3 millions de personnes, contre 417,2 l'année précédente. Elle a donc déplacé 4 millions de personnes en moins ! Et elle a connu, du coup, son premier déclin en une décennie !

Le comble, c'est que ces résultats décevants, ils ont été enregistrés en 2015... « année du transport en commun à Montréal », dixit le maire Coderre.

Mais pas de quoi s'énerver, non, non. Pas grave. Surtout que c'est la faute de l'hiver. C'est la faute des BIXI, des Car2Go, des Communauto. C'est la faute de l'économie, aussi.

Curieux. Je ressors mes almanachs passés, et je constate que l'hiver 2009 a été fichtrement froid... sans impact sur la STM.

Je retourne dans ma mémoire, et je me rappelle que Communauto est née en 1995, le BIXI en 2009 et Car2Go en 2014... sans que la STM en ait souffert par le passé.

OK, c'est vrai, la situation économique laisse à désirer... mais n'est-ce pas justement quand l'économie baisse que la popularité des transports en commun est censée bondir ? Plus que les ventes de voitures, en tout cas, qui continuent pourtant de s'envoler.

Et si la situation économique du continent était à blâmer, si les bas prix de l'essence étaient à montrer du doigt, si le transport public partout sur le continent souffrait, comment expliquer que l'achalandage a augmenté à Toronto ? Comment comprendre que les sociétés de transport de Chicago, New York, Seattle ont toutes connu une année record ?

Soyons honnêtes, si la STM connaît d'aussi piètres résultats en 2015, c'est qu'elle a vu ses budgets baisser. Elle a fait rouler moins de bus moins ponctuels. Et elle a moins fait rouler ses voitures de métro qu'escompté.

Bref, elle a offert un moins bon service en 2015. Et comme « personne n'a envie de faire partie de la classe sardine », pour reprendre les mots de Projet Montréal, les usagers ont regardé ailleurs, tannés d'être coincés dans des bus bondés et un métro plein.

La preuve, c'est que le taux de satisfaction des clients de la STM a baissé de manière importante. Il est passé de 89 à 85 % en un an, information que la Société de transport se garde bien de préciser dans son rapport annuel, étrangement...

Oublions donc les excuses bidon. Ce qu'il faut, c'est de l'argent, des réinvestissements, plus de bus, de trains et de prolongements de métro. On en promet d'ailleurs pour bientôt, et c'est tant mieux.

Denis Coderre a augmenté sa contribution aux transports en commun cette année, Justin Trudeau promet des centaines de millions et Philippe Couillard fait miroiter de beaux et grands projets. Autant de bonnes nouvelles, autant de choses qui, si elles voient bel et bien le jour, permettront de confirmer le lien étroit qui existe entre les investissements et l'achalandage.