À une époque où la parité homme-femme est une préoccupation, il est bon de se rappeler que nous n'en serions pas là aujourd'hui si ce n'était du chemin tracé par des pionnières comme Claire Kirkland-Casgrain, qui s'est éteinte à l'âge de 91 ans.

Elle est devenue, en 1961, la première femme députée, puis ministre, à l'Assemblée nationale, plus de 20 ans après que le droit de vote eut été accordé aux femmes au Québec.

Pendant toute sa carrière politique, avant qu'elle ne soit nommée la première femme juge à la Cour provinciale en 1973, elle sera la seule représentante de la gent féminine sur la scène provinciale.

En effet, il faudra attendre le tournant des années 70 avant que d'autres femmes soient élues députées... et plus longtemps encore avant que l'une d'elles - Pauline Marois - accède au poste de première ministre.

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Par son implication, Mme Kirkland-Casgrain a fait en sorte de tracer la voie aux politiciennes d'aujourd'hui en étant « la première à briser le plafond de verre ». Mais elle a surtout fait en sorte de changer la vie de toutes les Québécoises en favorisant leur émancipation. Cela, il ne faut jamais l'oublier.

Les petites filles qui grandissent aujourd'hui n'en ont pas conscience, mais elles peuvent aspirer à toutes les libertés, à tous les rêves, au même titre que les garçons. Elle n'est pourtant pas loin l'époque où, en se mariant, la femme perdait ses droits juridiques et devait demander le consentement de son mari, même pour signer un bail ou ouvrir un compte bancaire. En cas de séparation, elle n'avait aucun droit sur le patrimoine familial.

Mme Kirkland-Casgrain - qui a elle-même été obligée de demander à son premier mari de venir signer son bail pour qu'elle puisse louer un appartement à Québec comme députée ! - a fait en sorte d'amener le Québec dans la modernité.

Elle a fait adopter la loi 16 donnant les pleins droits juridiques aux femmes, mettant fin à l'incapacité des femmes mariées et plaçant les époux sur un pied d'égalité. Ces modifications au Code civil ont changé le visage du Québec et grandement contribué à l'émancipation des femmes.

Cette pionnière a aussi mis en place les jalons qui ont donné naissance au Conseil du statut de la femme. Pourtant, elle a toujours refusé l'étiquette de féministe, preuve qu'il faut parfois sortir des ornières d'un débat stérile sur la sémantique.

Car l'histoire retient les réalisations. Les avancées naissent de la conviction que les femmes et les hommes ont les mêmes droits, qu'ils peuvent aspirer aux mêmes idéaux, au même respect et à la même reconnaissance. Parce qu'elle croyait profondément en ces valeurs, Mme Kirkland-Casgrain a fait grandir la société québécoise.

Le gouvernement Couillard a fait savoir qu'elle aura droit à des funérailles nationales, une autre première pour une femme. Une décision méritée et attendue. Lors des dernières obsèques nationales, pour René Angélil, plusieurs féministes avaient ouvertement déploré qu'aucune femme n'ait jamais eu droit à cet honneur.

Dans le cadre de son 375e, Montréal veut par ailleurs faire plus de place aux femmes dans la toponymie de la métropole, elles qui ne comptent que pour 6 % des noms de rues et de lieux. Honorer la mémoire de Claire Kirkland-Casgrain en donnant son nom à un lieu majeur est incontournable.

Tous les jeunes hommes et les jeunes femmes doivent savoir que la vie qu'ils connaissent aujourd'hui a été rendue possible grâce à des pionnières comme elle.