Depuis son élection, le gouvernement Trudeau s'applique à offrir une image d'empathie, de générosité et de transparence. Le budget Morneau n'y fait pas exception.

On y retrouve la concrétisation des nombreuses promesses faites en campagne électorale, particulièrement celles envers la classe moyenne.

Sur papier, le plan est habile. En brossant un portrait volontairement sombre, revoyant à la baisse les prévisions de croissance du dernier budget conservateur et de leur propre mise à jour économique, les libéraux tentent de faire taire d'éventuelles critiques.

Les prévisions montrent non seulement que le gouvernement Trudeau pourrait ne pas atteindre l'équilibre budgétaire, comme promis, dans quatre ans, mais que le déficit annuel en 2019-2020 pourrait même atteindre 17,7 milliards. Le premier ministre a d'ailleurs préparé le terrain depuis quelques semaines, affirmant que son engagement était un défi difficile à atteindre dans le contexte économique actuel.

Dans les faits, le ministre des Finances, Bill Morneau, prévoit toutefois une certaine marge de manoeuvre, faisant en sorte que même une croissance très légèrement plus forte que prévu pourrait faire fondre ce déficit à cinq milliards, voire moins.

Quant à l'autre surprise du budget - le déficit de 29,4 milliards cette année, soit trois fois plus que le « déficit modeste » de 10 milliards annoncé en campagne électorale -, ce n'en est plus une. Les libéraux ont mis la table depuis des semaines ; la nouvelle a été digérée avant d'être annoncée.

Comme prévu, le fédéral mise sur les infrastructures pour relancer la croissance économique, dont 3,4 milliards uniquement pour améliorer les transports en commun. Une mesure qui améliorera la vie des familles en réduisant le temps passé dans la congestion routière, prétend même le ministre Morneau.

Toujours dans un souci d'aider la classe moyenne, la pièce la plus importante est évidemment l'Allocation canadienne pour enfants. En pigeant dans la poche des plus fortunés, le gouvernement remplace les prestations universelles pour enfants et abolit graduellement les crédits d'impôt pour les activités physiques et artistiques des enfants, bonifiant les prestations de neuf familles sur dix.

Le gouvernement veut aussi rendre les études postsecondaires plus accessibles en augmentant le montant des bourses d'études pour les familles à faible revenu et en rehaussant le seuil de revenu annuel à partir duquel les jeunes travailleurs doivent rembourser leur dette d'études.

Cette classe moyenne qu'on veut clairement séduire a toutefois le dos large. Parmi les mesures visant une « croissance avantageuse » pour celle-ci, notons la construction de logements abordables pour les plus démunis ou les aînés, la lutte contre l'itinérance, le financement de projets verts novateurs dans les municipalités ou les lieux historiques nationaux...

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L'autre élément majeur du budget vise à améliorer les conditions de vie des autochtones, trop souvent dignes du tiers-monde. Ottawa prévoit 8,4 milliards en cinq ans - du jamais vu - pour leur offrir des infrastructures décentes et un avenir meilleur. Les communautés autochtones comptent une forte proportion de jeunes. Il est indispensable d'améliorer le système d'éducation déficient pour qu'ils fassent intégralement partie de l'avenir de notre société. À peine 38 % des autochtones de 18 à 24 ans vivant dans les réserves ont terminé leurs études secondaires, comparativement à 87 % pour l'ensemble des Canadiens du même âge.

Avec ce premier budget, le gouvernement Trudeau passe de la parole à l'acte, tout en se distanciant, encore une fois, de l'ère Harper. On verra maintenant dans quelle mesure le pari audacieux d'engranger un déficit et de miser sur les infrastructures et les réinvestissements aura un impact positif sur la croissance économique.