C'était un secret de Polichinelle : la Banque du Canada a reconduit hier le taux cible du financement à un jour. Depuis juillet dernier, ce taux directeur est fixé à 0,50 %.

Comme elle l'avait annoncé le 20 janvier, la Banque réévaluera son scénario économique seulement après avoir pris connaissance des mesures budgétaires qu'annoncera le ministre des Finances Bill Morneau, le 22 mars. Cela sera détaillé dans le prochain Rapport sur la politique monétaire et la prochaine annonce du taux directeur, le 13 avril.

Le communiqué d'hier ressemble davantage à un relais obligé d'ici là.

Il fait état des informations reçues depuis le 20 janvier, en retenant avant tout qu'elles sont assez conformes au scénario qu'elle avait alors élaboré, même si quelques éléments s'en éloignent passablement.

Ainsi, le dollar canadien s'est beaucoup apprécié, étant passé de 68,2 cents US, le 20 janvier, à 75, 5 cents et demi hier, où il a gagné près d'un cent. La Banque avait fait l'hypothèse de 72 cents US en moyenne pour 2016 et 2017.

La poussée du huard s'explique par deux variables tout aussi influentes l'une que l'autre sur la valeur de notre monnaie : le billet vert se déprécie depuis la mi-janvier et le prix du pétrole a amorcé une remontée.

Le prix du baril de West Texas Intermediate a franchi hier la barre des 38 $US. À la mi-février, il avait plongé à 26 $. La Banque a postulé par convention que le prix serait à peu près celui observé le 20 janvier, soit 36 $ le baril pour 2016-2017.

À ce niveau et même à un prix plus élevé, l'or noir soutient le dollar canadien à un cours peut-être plus élevé que ce qui serait optimal pour stimuler les exportations canadiennes hors ressources.

À 36 $US le baril et même un peu au-delà, le prix reste néanmoins trop faible pour relancer l'investissement dans les sables bitumineux, un pétrole beaucoup plus cher à produire que celui obtenu par fracturation des roches de schiste aux États-Unis.

Bref, si cette tendance devait se poursuivre, elle ne pourra que ralentir la lente rotation de l'économie canadienne vers une croissance axée sur les exportations hors énergie. Cette tendance milite pour une baisse du taux directeur, plus tard cette année.

Toutefois, l'économie canadienne paraît aller un peu mieux que ne l'augurait la perception qu'on en avait le 20 janvier. Le solde commercial s'améliore depuis novembre et la production mesurée par industrie s'est remise à augmenter aussi. Cela permet d'espérer un rythme annualisé d'expansion trimestrielle pour l'hiver plus élevé que le 1 % pronostiqué en janvier. Quelques prévisionnistes avancent même 2 %.

En outre, la Banque paraît avoir sous-estimé la vigueur relative de l'inflation. Elle a prévu un taux annuel de 1,4 % et de 1,1 % aux premier et deuxième trimestres 2016. En janvier, tant l'inflation globale que l'inflation fondamentale affichaient 2 %, soit en plein centre de sa fourchette cible de 1 à 3 %.

Hier, la Banque a soutenu que les facteurs qui ont poussé l'inflation à 2 % «  [allaient] probablement s'estomper dans les mois à venir ».

Si elle fait allusion au taux de change, peut-être bien. En revanche, il faut aussi compter sur les pétrolières et les détaillants d'essence pour augmenter les prix à la pompe qui ont ralenti la marche des prix en 2015.

La Banque affirme aussi que « les capacités excédentaires notables présentes dans l'économie continueront de modérer l'inflation ». Que signifie au juste « notables » ? Dans le secteur manufacturier notamment, les capacités ont diminué dans bien des segments depuis la Grande Récession. Une étude récente de TD a montré qu'en 2014, elles représentaient 84 % seulement de leur niveau moyen de la décennie 2000-2010, en incluant la pétrochimie qui se situe à 120 % !

Si la croissance et l'inflation sont toutes deux plus fortes que prévu en ce début d'année, alors cela milite plutôt pour une hausse de taux, quelque part en 2017.

S'il survenait trop tôt, un premier resserrement monétaire aurait cependant la fâcheuse conséquence d'augmenter le loyer de l'argent au moment où Ottawa s'apprête à réaliser plusieurs déficits budgétaires substantiels et où la majorité des provinces peinent à retrouver l'équilibre.

Par conséquent, la conclusion du communiqué publié hier par la Banque pourrait s'avérer la bonne pendant plusieurs mois encore : 

« Dans l'ensemble, la résultante des risques demeure dans la zone pour laquelle la politique monétaire actuelle est appropriée, et le taux cible du financement à un jour reste à 0,50 %. »