Il y a une semaine à peine, la Banque du Canada ramenait de 2,0 % à 1,4 % sa prévision de croissance de l'économie canadienne pour l'année en cours.

Ce faisant, elle se trouvait momentanément plus pessimiste que la prévision consensuelle des économistes du secteur privé qui plaçait le rythme d'expansion canadienne à 1,7 %, tout comme le Fonds monétaire international.

Depuis, trois institutions financières ont aussi revu à la baisse leur pronostic, si bien que la Banque ne paraît plus pécher par excès de prudence.

La prévision de Desjardins est ramenée de 2,0 % à 1,5 %, ce qui fait passer l'institution lévisienne dans le camp des optimistes.

Déjà dans le camp des pessimistes, BMO Marchés des capitaux y monte en grade, ramenant sa prévision de croissance de 1,6 % à 1,1 %. À la différence de la Banque du Canada, BMO intègre à sa prévision un stimulus fiscal qui correspond aux engagements du Parti libéral durant les récentes élections fédérales.

Également à 1,6 % encore en fin d'année, la Banque Nationale juge que l'économie canadienne traverse une bien mauvaise période. Elle limite donc sa prévision de croissance à 0,9 % en incluant un stimulus fiscal. Ses économistes Krishen Rangasamy et Warren Lovely se veulent modérés : « Cette prévision pourrait encore baisser, notamment si le cours du brut ne remonte pas vers notre objectif de fin d'année de 40 $US le baril. » Hier, le baril de WTI s'échangeait tout juste au-dessus des 30 $US.

De son côté, CIBC prévient que sa prévision actuelle de 1,7 % établie en décembre est sous examen avec perspectives négatives. On attend les chiffres du produit intérieur brut (PIB) du mois de novembre, publiés vendredi pour établir la nouvelle estimation.

Il ne faudra pas s'y tromper : en novembre, l'économie canadienne a connu un certain soubresaut, après le recul de 0,5 % en septembre et le surplace d'octobre. Toutefois, la baisse prononcée du prix du pétrole en décembre, jumelée au temps doux qui a réduit les besoins de chauffage et compromis le début de saison des sports d'hiver, ne permet pas d'escompter beaucoup de croissance en fin d'année.

Au final, l'activité économique a stagné vraisemblablement durant l'automne. C'est donc sans élan aucun qu'elle a commencé l'année.

Elle paraît sans ressort, essoufflée, au point où, pour une rare fois, le gouverneur Stephen Poloz a évoqué la possibilité qu'elle ne retrouve peut-être pas son plein régime à la fin de la période de projection, soit décembre 2017, tellement s'accumulent les capacités inutilisées.

Qui plus est, la production potentielle, c'est-à-dire celle qui est optimale sans poussée inflationniste, a été constamment diminuée depuis trois ans. D'un peu plus de 2 % en 2013, elle se situe entre 1,4 et 1,6 % pour l'année en cours.

La chute des investissements dans le secteur énergétique va continuer, l'industrie étant de plus en plus convaincue que la faiblesse des prix va perdurer. L'appel de quasi-détresse, lancé hier par l'OPEP aux producteurs de pétrole non membres du cartel en faveur d'une réduction coordonnée de la production pour soutenir les prix, en dit long sur l'offre excédentaire.

Pour les producteurs canadiens, la difficulté est multiple. Non seulement les coûts de production de pétrole bitumineux sont-ils parmi les plus élevés au monde, mais encore les coûts d'interruption le sont tout autant. Un peu comme l'arrêt de la production d'aluminium entraîne la mise hors d'état des cuves, le refroidissement du bitume le fige et brise les cokeurs (hauts fourneaux).

La production de pétrole synthétique risque donc de continuer un certain temps, même à perte, ce qui compromet davantage d'autres investissements, dans la réfection des sols par exemple.

Tous les fournisseurs de biens et de services de cette industrie vont voir leur chiffre d'affaires diminuer. Bref, les difficultés des provinces productrices font tache d'huile ailleurs.

Les exportateurs canadiens doivent composer avec une économie américaine qui ralentit, même si elle demeure la locomotive de la croissance mondiale. La force du dollar américain affaiblit son secteur manufacturier qui achète moins de ses fournisseurs canadiens.

Reste alors la contribution des gouvernements. Ottawa entend faire sa part, mais la chute des prix mondiaux des matières premières diminue d'autant la taille de son assiette fiscale. Même en s'en tenant à ses engagements électoraux, le déficit serait beaucoup plus élevé que les 10 milliards escomptés. Le gouvernement se dit prêt à tolérer un déficit plus élevé, mais il s'en trouvera plusieurs pour le critiquer s'il devait franchir la barre des 20 ou des 25 milliards.

À ce rythme, les provinces ne voudront pas lui emboîter le pas. Un financement partagé des programmes d'infrastructures risque fort de ne pas avoir les résultats escomptés.

La relance économique n'en sera que retardée.