Une expression bien de chez nous décrit le climat économique actuel au Canada : ça va s'empirer avant de s'emmieuter.

Après l'entrée de la Bourse canadienne dans un marché baissier (bear), le passage en phase de contraction des intentions des décideurs d'achat du secteur manufacturier (indice PMI RBC), des chiffres médiocres sur la croissance, voici que la confiance des ménages et des entreprises marque le pas.

En décembre, l'indice de confiance des consommateurs du Conference Board a fortement reculé, au point de se situer à son niveau le plus faible depuis deux ans.

Pareille morosité est contagieuse parmi les entreprises canadiennes qui réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires au pays. Si on se fie aux données de l'Enquête sur les perspectives des entreprises (EPE) de la Banque du Canada, « les entreprises tournées vers le marché intérieur et celles exposées au secteur des ressources rev[oient] leurs plans pour tenir compte du ralentissement de l'activité ».

En somme, les perspectives d'investissements resteront faibles encore cette année. En fait, pour la première fois depuis la Grande Récession, le nombre d'entreprises qui prévoient diminuer le rythme de leurs investissements au cours des prochains mois surpasse le nombre de celles qui prévoient les augmenter.

Les autorités monétaires précisent que les projets destinés à augmenter les capacités de production diminuent, les entreprises se contentant de remplacer ou de réparer leurs équipements. Et ce n'est pas uniquement dans le secteur des ressources que ce comportement inquiétant est observé : il fait tache d'huile dans les autres régions. Les entreprises n'ont pas confiance dans la vigueur de la demande intérieure et s'inquiètent des incertitudes entourant la réglementation et la fiscalité.

Le ministre des Finances Bill Morneau, qui amorce cette semaine une tournée du pays dans le cadre de ses consultations budgétaires (il est à Montréal aujourd'hui), aurait intérêt à dissiper ces inquiétudes au plus tôt.

La seule note optimiste de l'EPE est fournie par les exportateurs qui ne font pas partie de la chaîne d'approvisionnement du secteur des ressources et qui veulent profiter de la hausse perçue de la demande étrangère.

Si la volonté d'investir paraît faible, il en va de même de celle d'embaucher. Les perspectives demeurent légèrement positives : 31 % des firmes répondantes ont l'intention d'augmenter leur effectif au cours de l'année alors que 19 % prévoient le réduire. Le différentiel de 12 % est le plus faible depuis 2009 alors qu'il avait plongé en territoire négatif.

Ce faible écart positif est gage d'une faible croissance de l'emploi au cours des prochains mois. 

Compte tenu du fait que la population active continue d'augmenter légèrement, notamment parce qu'on incite les 55 ans et plus à rester sur le marché du travail, il faut s'attendre à une hausse du taux de chômage. Vendredi, Statistique Canada a indiqué qu'il était resté stable à 7,1 % en décembre, grâce avant tout à l'augmentation du travail autonome.

Ces perspectives moroses sont déjà perçues par les consommateurs. Selon le Board, seulement 9,1 % des répondants s'attendent à une augmentation du nombre d'emplois dans leur région. Cette perception est observée dans toutes les régions, à l'exception de la Colombie-Britannique.

Les consommateurs s'inquiètent davantage de l'état de leurs finances. Ils sont aussi moins nombreux à envisager un achat important, comme une voiture ou une maison.

Les conditions de crédit offertes aux entreprises se sont légèrement resserrées l'automne dernier, en particulier celles liées au secteur des ressources. Pour les ménages, la hausse de quelques taux hypothécaires annoncée par la Banque Royale la semaine dernière n'est pas non plus de bon augure, bien qu'elle ne soit pas suivie par d'autres institutions jusqu'ici.

Sans surprise, la faiblesse des perspectives économiques fait en sorte que les entreprises ne s'attendent pas à pouvoir augmenter leurs prix cette année, d'autant que l'effet à la hausse sur le prix de leurs intrants découlant de la faiblesse du dollar canadien paraît s'estomper. Bref, les attentes inflationnistes, déjà modestes, se sont affaiblies quelque peu.

Tout cela paraît confirmer les pronostics du gouverneur de la Banque du Canada Stephen Poloz, la semaine dernière. Les ajustements à la chute des prix du pétrole seront longs et parfois pénibles.

Les enquêtes de la Banque et du Conference Board confirment qu'entreprises et ménages en sont fort conscients et inquiets.