Avec une croissance qui bat de l'aile, le nouveau gouvernement libéral canadien a créé beaucoup de satisfaction en annonçant des baisses d'impôt pour la classe moyenne. Toutefois, les détails des augmentations de dépenses en infrastructures promises en campagne électorale, plus porteuses si elles sont à la fois bien ciblées et lancées rapidement, se font toujours attendre. Demain, le ministre des Finances Bill Morneau est l'invité du Conseil des relations internationales de Montréal pour un déjeuner-causerie qui sera à coup sûr fort couru. Que peut-il annoncer alors que les préparatifs de son budget vont bon train et que les finances publiques se détériorent ? Tentons de voir de quelle économie le gouvernement a hérité.

ANALYSE

DES TERMES DE L'ÉCHANGE QUI SE DÉTÉRIORENT

Depuis la formation du nouveau gouvernement en octobre, les prix du pétrole et des métaux de base continuent de fléchir. Cela affaiblit le dollar canadien et renchérit ce que nous importons. Quand les prix à l'exportation diminuent et que ceux des biens importés augmentent, il y a détérioration des termes de l'échange, selon le jargon des économistes. Ça signifie que les revenus du Canada diminuent, tout comme le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises.

Selon la Banque du Canada, la perte de revenus en 2015 se chiffre à 50 milliards, ce qui représente 1500 $ par Canadien. On estime la taille de l'économie canadienne (le PIB nominal) à environ 2000 milliards en 2015. La perte est donc équivalente à 2,5 % du PIB nominal.

Pour les finances publiques, l'impact est considérable. Selon une estimation de la Banque Nationale, la variation d'un point de pourcentage du PIB représente un manque à gagner de 8 milliards pour les gouvernements fédéral et provinciaux l'an dernier et de 40 milliards en cinq ans.

UN CHOC QUI FAIT TACHE D'HUILE

La crise que traverse l'industrie pétrolière canadienne nuit à d'autres segments de l'économie. Les fabricants canadiens de poutres d'acier, de citernes et d'équipements destinés aux activités de forage, de tamisage, d'exploration, pour ne donner que quelques exemples, pâtissent à leur tour de la chute des investissements des sociétés pétrolières, qui a atteint 20 % l'an dernier et qui pourrait encore s'accentuer cette année si les prix de l'or noir ne se redressent pas de manière convaincante. Actuellement, plusieurs entreprises produisent à perte pour honorer des contrats.

Facteur aggravant, les prix des biens de base (des métaux en particulier) sont aussi déprimés, ce qui retarde la mise en exploitation de nouveaux gisements. L'annulation récente de l'investissement de près de 400 millions de FerroAtlantica à Port-Cartier pour produire du silicium métal en est un douloureux exemple.

Les grossistes spécialisés dans ce type d'équipement souffrent, de même que tous les services professionnels liés au secteur des ressources : géologie, ingénierie, architecture, environnement, droit commercial, financement, etc.

RELANCER LA CROISSANCE

Selon la Banque du Canada, s'ajuster à un choc des prix comme celui que nous avons subi en 2015 prend des années et pose des défis à la classe politique. Autant le Canada dans son ensemble a profité de la montée des prix du pétrole jusqu'en 2014 (n'en déplaise aux tenants de la thèse du mal hollandais), autant il souffre aujourd'hui de leur chute.

L'ÉTAT DOIT INVESTIR

Voilà pourquoi le programme d'infrastructures promis est de la plus haute importance et de grande urgence. En réparant routes et ponts, en créant ou en modernisant des centres de recherche et d'innovation, en rehaussant l'offre d'attractions touristiques (parcs, musées), Ottawa peut ranimer la production de machines, d'équipements et de biens industriels, redéployer les services d'ingénierie, d'architecture et d'urbanisme, et redonner de l'emploi à des travailleurs semi-spécialisés. En prime, il peut permettre d'assurer la diversification compétitive du Canada de demain dans des industries à valeur ajoutée élevée.

Il y a toutefois des écueils à aller trop vite ou à trop vouloir plaire à sa base électorale. Notamment, les chantiers lancés peuvent s'avérer coûteux et non productifs à terme. En ce sens, on ne peut que saluer la décision du nouveau gouvernement d'exclure de son plan les infrastructures consacrées au sport professionnel. Un tel risque financier relève du secteur privé, si quelque promoteur fortuné et hardi en a envie, pas de l'argent des contribuables. Les expériences douteuses du Stade olympique et de l'amphithéâtre de Québec ne doivent pas être répétées.

photo Jacques Boissinot, archives la presse canadienne

Le Centre Vidéotron de Québec

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