Tout indique que l'économie canadienne termine l'année comme elle l'a commencée : à reculons.

Les indicateurs économiques automnaux ont tous déçu jusqu'ici, si on fait exception du nombre des mises en chantier, dangereusement élevé hors Québec.

Le recul important du secteur de l'énergie, et des services professionnels qui lui sont associés, n'est pas une surprise, compte tenu de l'effondrement des prix de l'or noir.

Ce qui étonne, c'est le manque de tonus du reste de l'économie. Malgré les deux baisses des taux d'intérêt consenties par la Banque du Canada depuis janvier et la plus forte dépréciation du huard en l'espace de deux ans, la production en usines et les exportations manufacturières n'arrivent pas à relancer la croissance. Parallèlement, la consommation s'essouffle, si on se fie aux reculs récents observés dans le commerce de gros et de détail.

En octobre, le surplace du produit intérieur brut (PIB) réel est venu souligner que l'économie canadienne est entrée à nouveau en léthargie, après seulement trois mois de croissance, en juin (0,4 %), juillet (0,3 %) et août (0,1 %). D'octobre à octobre, l'économie canadienne a de fait reculé. Il s'agit de la première baisse annuelle, mesurée de mois à mois, depuis 2009.

La déception est d'autant plus grande qu'on aurait été en droit d'espérer un certain rebond de croissance, après le recul de 0,5 % observé en septembre, dû avant tout à un incendie dans les installations de Syncrude qui a fortement diminué l'extraction de sables bitumineux. L'effet de la reprise de l'exploitation aura été en partie annulé par la diminution de l'extraction traditionnelle de pétrole.

On a légitimement pu penser que la tenue d'élections fédérales aurait momentanément stimulé l'activité économique, au moins celle du secteur public, dont l'effectif avait gonflé au cours du mois. Ça n'aura pas suffi, et on peut craindre le ressac dans les chiffres à venir de novembre.

On peut encore trouver des circonstances atténuantes : le temps anormalement doux d'octobre a diminué la demande d'énergie pour le chauffage, ce qui explique la diminution de production d'électricité.

Ce n'est pas de ce côté qu'on a pu compter pour relancer la croissance en fin d'année, pas plus que chez les entreprises de plein air. Difficile de vendre patins et skis quand le gazon reverdit... Difficile aussi de s'offrir un voyage éclair au soleil pour sortir de la grisaille quand il faut près d'un dollar quarante pour acheter un billet vert. Pour l'ensemble du trimestre, la croissance sera anémique, au mieux.

On savait que le passage d'une économie dont le dynamisme repose sur les exportations axées sur les biens de base à une dont la production en usines et les investissements des entreprises deviennent le moteur prend du temps.

On commence à prendre la mesure de ce que ça signifie : ce sera bien long. La fabrication accuse en octobre un retard de 1,6 % en un an. C'est peu de dire combien cela est loin de compenser la chute de 7,9 % du secteur des ressources.

Durant l'été, la croissance américaine a été limitée à 2,0 %, rythme qu'elle semble avoir maintenu durant l'automne, grâce surtout à la consommation des ménages. La production manufacturière éprouve certaines difficultés à cause de la force du billet vert.

Ce n'est pas bon signe pour les fournisseurs canadiens, tandis que les fabricants de produits finis doivent rivaliser avec leurs concurrents européens et mexicains dont les monnaies se sont aussi dépréciées.

On a bon espoir de voir la croissance américaine s'accélèrer quelque peu, surtout si l'hiver n'est pas marqué en janvier et février par le même froid polaire que l'an dernier.

Il ne faut pas rêver pour autant de taux d'expansion trimestrielle annualisée de l'ordre de 3 % quand la Réserve fédérale américaine (Fed) estime à 2 % la croissance potentielle de la première économie du monde.

Dans ce contexte, souhaitons que le premier budget du ministre des Finances Bill Morneau soit hâtif et concrétise l'engagement libéral d'augmenter le budget dédié à des infrastructures.

On peut aussi espérer que ces infrastructures soient productives. Saluons aussi le fait que les équipements sportifs en soient exclus. Il est tellement facile de gaspiller l'argent des contribuables quand on mesure les retombées collectives à long terme d'un investissement.

L'autre carte de relance de l'économie canadienne est détenue par la Banque du Canada. On commence à spéculer sur une nouvelle baisse de taux dès janvier, ce qui porterait le taux directeur à 0,25 %, soit plus bas que celui de la Fed pour la première fois depuis 2008.

Les autorités monétaires jugeront peut-être plus sage de voir le budget Morneau avant de bouger.