Il n'y a pas que dehors où la lumière se fait rare. La météo tristounette étend sa déprime sur la scène économique.

Depuis le début du mois, les indicateurs canadiens soulignent que la production de biens et services traverse un passage à vide qui a de quoi faire sourciller.

La douche froide a commencé avec l'annonce du recul de 0,5% de la production en septembre, de la grave détérioration de la balance commerciale en septembre et octobre, de la hausse du taux de chômage en novembre et de la nouvelle baisse du prix du pétrole depuis le début du mois.

Hier, Statistique Canada a ajouté une nouvelle averse d'eau froide à cette pluie de mauvaises nouvelles. Les ventes des manufacturiers ont reculé pour le troisième mois d'affilée, en octobre, alors que les nouvelles commandes continuent de diminuer. Cette fois-ci, le repli atteint 1,1% en valeur et 1,0% en volume, soit deux fois plus que la prévision consensuelle. Depuis un an, la valeur des ventes des fabricants recule de 3,2%.

Le troisième recul d'affilée signifie que la production manufacturière se situait, à la fin d'octobre, bien en deçà de son niveau moyen du troisième trimestre. Il faudra donc un redressement significatif pour que la fabrication contribue positivement à la variation du produit intérieur brut durant le quatrième trimestre.

La production en usine ne semble pas avoir encore reculé, puisque les stocks continuent de s'accumuler. À hauteur de 73,5 milliards de dollars, sa valeur atteint un nouveau sommet en cinq ans, mais surtout elle équivaut désormais à 1,46 mois de ventes, soit le ratio le plus élevé en cinq ans aussi. À moins d'un redressement que la valeur des nouvelles commandes n'indique pas, la production a peut-être commencé à diminuer en novembre, sinon ce sera incessamment.

La baisse observée des ventes, tant en valeur qu'en volume, fait ressortir que les manufacturiers canadiens ne profitent toujours pas de l'avantage que doit en principe leur donner l'affaiblissement de notre monnaie face au billet vert qui a, en revanche, le fâcheux inconvénient - déjà manifeste, celui-là - de diminuer le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises. Elle suggère aussi un essoufflement du consommateur canadien, dont le niveau d'endettement face à son revenu disponible a atteint un nouveau sommet durant l'été.

Le recul des ventes des manufacturiers est passablement généralisé, ayant touché 13 des 21 segments dans lesquels ils sont regroupés. Sans surprise, le segment des produits du pétrole et du charbon recule encore fortement. C'est par contre aussi le cas des segments de la première transformation des métaux et des produits aérospatiaux, deux poids lourds de la fabrication québécoise.

Dès lors, on ne sera guère étonné que les ventes des fabricants québécois aient reculé de 2,1% en octobre et de 4,7% en un an, soit deux chiffres inférieurs à la moyenne canadienne.

L'Ontario s'en tire beaucoup mieux avec une hausse mensuelle de 0,6% et annuelle de 1,6%. Elle doit sa bonne fortune au secteur automobile, en hausse de 4,9% en octobre et de 8,2% en un an. Les ventes de véhicules neufs atteignent des niveaux records aux États-Unis et restent soutenues au Canada.

La léthargie manufacturière ne semble pas troubler jusqu'ici le gouverneur de la Banque du Canada. Hier, Stephen Poloz a réitéré devant la presse convoquée pour la publication semestrielle de la Revue du système financier que la croissance économique rebondissait au second semestre, après la récession technique observée au premier. Néanmoins, le scénario de la Banque pour un rythme annualisé de 1,5% au quatrième trimestre semble de plus en plus ambitieux.

La Banque mettra à jour son scénario dans la seconde moitié de janvier. Il paraît difficile d'écarter complètement une nouvelle baisse du taux directeur après les deux enregistrées cette année. Ce n'est toutefois pas le scénario le plus probable. À ce stade-ci, du moins.