Arnold Schwarzenegger est dans les parages. On le sent, on le sait.

Les discussions du panel ont beau se poursuivre à l'avant, il y a un mouvement inhabituel dans l'assistance. Ça s'agite autour des portes. Les policiers armés de l'ONU se font plus nombreux.

La table ronde se termine un peu précipitamment. La salle est dissipée. Même Philippe Couillard, assis dans la première rangée, semble fébrile. Presque.

Puis Schwarzenegger entre dans la pièce, les mains dans les poches, très souriant. La moitié de la salle se lève pour le prendre en photo. Il a le teint basané, une barbe de plusieurs jours, une voix qui porte. Il déclame son discours à vive allure, comme un acteur... plutôt mauvais, en fait.

Mais ce n'est pas grave, il fait mouche.

Les propos de l'ancien gouverneur, invité à titre de fondateur du regroupement climatique R20, plaisent parce qu'il est connu, bien sûr, mais aussi parce qu'il met le doigt sur un aspect peu connu et pourtant capital de la lutte contre le dérèglement climatique : cette lutte est menée, désormais, par les « petits ». Par les États américains, les provinces canadiennes, les régions urbaines, les municipalités, non plus par les gouvernements.

« Notre moment est venu ! C'est à nous de porter le flambeau du climat. À nous les États subnationaux, les provinces, les villes, d'aller de l'avant inlassablement. Comme le Terminator ! »

Le discours est apprécié par M. Couillard et les premiers ministres de l'Ontario et du Manitoba, assis à ses côtés. Car l'ancien gouverneur confirme qu'ils sont maintenant des acteurs de premier plan des conférences sur le climat.

La preuve : la dernière version du projet d'accord qui circule ici, au Bourget, reconnaît pour la première fois « l'importance de la participation à tous les niveaux des gouvernements » pour réduire les gaz à effet de serre.

Ça n'a l'air de rien comme ça, mais c'est une révolution dans le petit monde du climat. Ce ne sont plus uniquement les signataires des traités internationaux qui ont leur mot à dire, ce sont aussi les « États subnationaux » (une expression que déteste le Québec, d'ailleurs, qui ne se considère certainement pas comme « sous-national »...).

« C'est la COP où les actions des États fédérés, des régions et des gouvernements locaux sont les plus manifestes, concrètes et reconnues, note Annie Chaloux, directrice de l'Observatoire des politiques publiques de l'Université de Sherbrooke. Ce qui est la moindre des choses, étant donné que c'est eux qui exercent le leadership au Canada, aux États-Unis et de plus en plus au Mexique. »

C'est tout ce beau monde que Schwarzenegger a voulu réunir, justement, en fondant il y a quelques années R20 Regions of Climate Action. Une organisation qui prône l'action régionale, comme en Californie et au Québec.

« Nous sommes des laboratoires, des plateformes d'expérimentation, de véritables modèles pour le monde entier », a dit le « Governator ». Il a illustré son propos en indiquant que si les États-Unis adoptaient les mêmes règles et normes que la Californie, il faudrait fermer 75 % des centrales au charbon.

Même chose pour le Québec, selon Annie Chaloux. « En 2012, le Québec a dépassé son objectif de réduction de ses émissions de GES, en les réduisant de 8 % plutôt que 6 % sous le niveau de 1990. Et avec le succès du marché du carbone Québec-Californie, il a envoyé un signal extrêmement puissant qui fait en sorte que l'Ontario [s'y] est joint, puis le Manitoba. Donc on voit que l'action part des provinces. »

On peut ajouter à cela la taxe carbone de la Colombie-Britannique, la fermeture des centrales au charbon en Ontario et le tout récent plan environnemental de l'Alberta (qui a tout de même vu ses émissions croître de 53 % depuis 1990 !).

Autant de choses qui expliquent l'approche décentralisée que souhaite mettre en place le gouvernement Trudeau au cours des prochains mois : les provinces tracent la voie, le fédéral les accompagne.

Précisément ce que souhaite voir Schwarzenegger. « Plus de 70 % des émissions proviennent des États subnationaux. Même si les gouvernements ne faisaient rien, nous aurions le pouvoir de créer un avenir énergétique propre et sain. Chaque mouvement est né du bas vers le haut ! », a-t-il lancé en guise de conclusion.

Puis la vedette est partie, sans oublier son égoportrait...