Dans les années 80, dans un contexte d'affrontement avec les employés de l'État, le gouvernement s'est doté d'un outil, l'IRIR, l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, un organisme indépendant, relevant de l'Assemblée nationale, dont le mandat était de mesurer la rémunération des employés du secteur public et de la comparer à celle du secteur privé.

Nos dirigeants avaient une idée derrière la tête. On savait que les études de l'IRIR démontreraient que les travailleurs du public étaient vraiment mieux traités que les autres. Cela permettrait de justifier une politique salariale moins généreuse au nom d'un principe d'équité, l'ajustement de la rémunération du secteur public à celle du privé.

Bien de l'eau a depuis coulé sous les ponts. L'IRIR n'existe plus, mais l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) a pris le relais et publie chaque année un rapport, Rémunération des salariés, état et évolution comparés, qui sert toujours de référence.

Ce qui a aussi changé, c'est que, de gels en lois spéciales, ces privilèges ont fondu. Le temps où les fonctionnaires québécois et les employés des réseaux de l'éducation et de la santé étaient des gras dur est vraiment révolu. Le dernier rapport, le trentième, rendu public la semaine dernière, le confirme.

À plusieurs égards, les employés du public ont été devancés par ceux du privé. Mais pas assez pour donner aux centrales syndicales des munitions pour justifier l'important rattrapage qu'elles réclamaient. Tout dépend évidemment des chiffres que l'on utilise et de l'interprétation qu'on en fait. De ce qu'on compare et avec qui on se compare.

Pour le salaire, les employés du public québécois sont moins bien payés que tous les groupes auxquels on les compare. Mais ils se rattrapent pour la rémunération globale qui tient compte des congés, plus nombreux, des heures de travail, plus courtes, des avantages sociaux beaucoup plus généreux, notamment en ce qui a trait aux conditions de retraite.

Au premier abord, les employés du public semblent souffrir d'un retard significatif. L'écart salarial avec les autres travailleurs atteint 12,9 % et il reste à 7,9 % quand on regarde la rémunération globale. C'est le chiffre qui a été retenu dans le débat public. Mais cet écart est gonflé par le fait que ces autres travailleurs comprennent aussi ceux des autres administrations publiques, fédérale, sociétés d'État, municipalités, avec qui il n'a jamais été question de rattrapage et qui ne devraient pas figurer dans la comparaison.

Si on compare les employés de l'État québécois à ceux du secteur privé, le portrait est tout autre. Il y a toujours un réel écart salarial de 10,0 %, mais pour la rémunération globale, le public québécois détient une avance, très légère, de 1 %.

Il est vrai que les résultats seront très différents si on limite la comparaison avec les employés syndiqués du secteur privé. Le retard du public est alors considérable - 18,5 % pour les salaires et 22,4 % pour la rémunération globale. C'est cette comparaison que j'ai déjà faite dans des chroniques. Mais à bien y penser, c'est un choix arbitraire. Le taux de syndicalisation est très faible dans le secteur privé, 24,3 % en 2014. On limite donc les comparaisons avec une minorité, privilégiée, des employés du privé.

On pourrait aller plus loin en ajoutant que l'exercice de comparaison de l'ISQ ne porte que sur les entreprises de 200 employés et plus. C'est donc dire qu'on exclut environ la moitié des travailleurs, souvent moins bien traités. Il y a une logique à imiter la comparaison aux employés syndiqués des grandes entreprises privées, qui sont des employeurs similaires au gouvernement.

Mais cela reviendrait à ne tenir compte que de la minorité d'une minorité. Si l'objectif d'équité consiste à vouloir établir un équilibre entre les employés de l'État et les autres travailleurs qui paient leurs salaires par leurs impôts, il est plus sage de choisir l'ensemble du secteur privé comme base de comparaison pour mieux refléter les réalités du marché du travail.

Il faut enfin ajouter qu'un aspect majeur des conditions de travail des employés du public n'est pas inclus dans ces comparaisons, et c'est la sécurité d'emploi, difficile à quantifier, qui constitue certainement un avantage considérable.

Toutes ces considérations sont purement quantitatives. Une réflexion sur la rémunération des employés de l'État doit également intégrer des éléments qualitatifs. Payer les gens le moins cher possible n'est pas une stratégie si nous souhaitons préserver une administration publique dévouée et compétente. Mais ces considérations qualitatives ne s'appliquent qu'à une partie des employés de l'État, les professionnels de la santé, ceux de l'éducation, les professionnels et les cadres tentés par le privé, essentiellement des employés très qualifiés, ce qui introduirait une forme d'élitisme qui jusqu'ici, n'a pas fait partie de la conversation.