Rien n'interdit de voir la vie en rose, mais force est de constater que l'économie canadienne était en panne sèche en début d'automne, sans frein même pour l'empêcher de reculer.

Certes, nous pouvons nous réjouir que la croissance réelle annualisée a atteint 2,3 %, de juillet à septembre, selon l'estimation de Statistique Canada, et nous réconforter grâce aux chiffres révisés des deux premiers trimestres : ils indiquent que la récession technique a été moins profonde que les premières évaluations ne l'avaient laissé croire.

Nous pouvons nous montrer soulagés que les exportations prennent enfin le relais de la consommation des ménages à titre de locomotive de la croissance. Le bond de 9,4 % des volumes exportés, jumelé au repli de près de 3 % des importations, suggère que le Canada profite de la faiblesse de sa monnaie face au billet vert et de l'expansion soutenue des États-Unis.

Tout cela est bien beau, mais ce vernis cache une réalité beaucoup moins brillante.

Commençons par les exportations : les usines d'assemblage d'autos ont profité de la forte demande américaine. Soit. C'est avant tout la reprise de la production de l'usine Chrysler à Windsor en début d'été qui explique cette poussée, conjointement avec l'exploitation accrue des sables bitumineux en juin qui s'est poursuivie en juillet et août.

Le vent a tourné en septembre. Un incendie dans les installations de Syncrude a entraîné la chute de 5,1 % des volumes extraits des mines, des carrières et des champs pétrolifères et gaziers, la chute mensuelle la plus forte à ce jour. La production en usines a quant à elle reculé de 0,6 % après trois mois de croissance d'affilée.

Dans l'ensemble, la production canadienne de biens et de services (le PIB réel) mesurée par industrie a reculé de 0,5 % en septembre. Il s'agit du sixième recul mensuel en neuf mois et le plus prononcé.

Elle est revenue au niveau de septembre 2014.

Comme la production a repris en octobre à Syncrude, il est probable que le PIB réel s'est remis en marche, mais il est loin d'être acquis qu'il pourra passer en deuxième vitesse. Si on exclut la chute de la production minière et d'hydrocarbures, le PIB réel a quand même reculé de 0,1 % en septembre. Ce repli s'observe tant dans les industries productrices de biens que dans celles qui, comme le commerce de gros, les services financiers ou le divertissement, font partie de la production de services.

Quand on regarde de près les chiffres du troisième trimestre, on constate que seuls le commerce extérieur et la consommation des ménages ont nourri la croissance.

Dans ce dernier cas, les ménages ont puisé dans leurs épargnes pour acheter surtout des biens durables, des véhicules selon toute vraisemblance.

Comme les prix de ce que nous exportons ont reculé alors que ceux de ce que nous importons ont augmenté, il s'ensuit que le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises diminue. Cela ne stimule ni la consommation ni l'investissement.

En fait, si on regarde l'évolution de la taille de l'économie en dollars courants, on constate qu'elle a épaissi de 0,4 % à peine en un an, malgré sa belle poussée de 2,7 % en rythme annuel au troisième trimestre.

Pour soutenir la consommation, il faudra une forte progression de la création d'emplois. Celle observée en octobre ne doit pas faire illusion : elle est le résultat des élections fédérales qui ont gonflé temporairement l'effectif des employés de l'État. Les données de l'Enquête sur la population active qui seront publiées vendredi devraient indiquer une diminution du nombre d'emplois en novembre que viendra peut-être nourrir le troisième repli d'affilée des investissements des entreprises.

En fait, l'indicateur avancé RBC PMI qui mesure les intentions des décideurs d'achat du secteur manufacturier a de quoi faire sourciller. Il se situe en novembre sous la barre de 50 pour un quatrième mois d'affilée. La barre de 50 marque la différence entre une production en contraction ou en expansion.

Pire, son équivalent américain, l'ISM manufacturier est lui aussi passé sous la barre de 50. Cela suggère que les fournisseurs canadiens de fabricants américains ont moins de perspectives de croissance.

Enfin, les entreprises canadiennes ont choisi de déstocker durant l'été. Elles ont peut-être augmenté leur production durant l'automne. Si tel est le cas, elles vont pousser les importations à la hausse puisqu'une grande partie des stocks sont composés de biens industriels et non de produits finis. Cela est susceptible de détériorer le solde commercial.