Quand le coeur balance, la raison finit souvent par l'emporter. Pas étonnant que les partis politiques misent sur le portefeuille des électeurs pour convaincre ceux qui sont encore indécis.

Au-delà des nombreux rebondissements survenus pendant la campagne électorale - procès Duffy, crise des migrants, controverse du niqab -, plusieurs électeurs auront en tête, une fois dans l'isoloir, les promesses concrètes qui les touchent dans leur quotidien. Et ce quotidien est étroitement lié à l'argent qu'il reste dans leurs poches.

Au cours des derniers jours, on a vu Stephen Harper prononcer ses discours en sortant des billets de banque au son d'une caisse enregistreuse pour imprégner dans les esprits le « coût » d'un plan libéral. On a également vu, à répétition, une publicité des libéraux montrant une mère de famille qui, au moment de voter, se remémore une allocution de Justin Trudeau promettant de créer des allocations familiales non imposables « pour aider les familles qui en ont besoin et non les familles de millionnaires ».

À travers le portefeuille des électeurs, c'est surtout la classe moyenne que les politiciens courtisent. Une tactique payante, puisque l'ensemble des Canadiens se sent alors (faussement) interpellé.

Dans les faits, les partis politiques restreignent souvent la classe moyenne aux familles, idéalement celles composées du père, de la mère et des deux enfants d'âge scolaire.

La classe moyenne a pourtant bien changé au fil des ans. Les politiciens l'oublient. Au Québec, le poids des familles monoparentales, des couples sans enfant et des personnes seules a augmenté, si bien que les familles biparentales ne comptent plus que pour le quart de la classe moyenne.

Les conservateurs ont bien mis en place quelques mesures qui favorisent les Canadiens plus aisés, avec le fractionnement du revenu et la hausse du plafond du CELI, mais ils se sont aussi assurés de rejoindre la classe moyenne traditionnelle en bonifiant généreusement la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE) - imposable - juste avant le déclenchement des élections. Ils promettent aussi d'augmenter le plafond du Régime d'accession à la propriété pour donner un coup de pouce aux familles qui veulent devenir propriétaires.

Libéraux et néo-démocrates s'engagent pour leur part à annuler la hausse du plafond du CELI et le fractionnement du revenu pour aider davantage les familles et les travailleurs. Le parti de Justin Trudeau s'engage aussi à augmenter l'impôt du 1 % des plus riches et de remplacer la PUGE par des allocations familiales non imposables qui seraient plus généreuses pour neuf familles sur dix. Quant au parti de Thomas Mulcair, il propose aussi de mettre sur pied un programme de garderies à 15 $ par jour, avec une compensation pour le Québec.

Sachant qu'un électeur sur dix est toujours indécis à l'aube du scrutin, il ne faut pas s'étonner que les partis politiques parlent avec la voix de l'argent plutôt que celle du coeur.