La campagne électorale était à peine lancée qu'on prévoyait déjà que l'électorat ontarien en trancherait l'issue. On se rend bien compte, aujourd'hui, que le rôle du Québec sera également déterminant, et tous les chefs avaient cette donnée en tête pendant le débat d'hier.

Ce cinquième et ultime affrontement était l'occasion pour eux de marquer de façon décisive la mémoire des électeurs québécois, avec un discours qui s'adressait manifestement à cette clientèle. 

Plusieurs sont toujours indécis et ce débat est la dernière image qu'ils garderont en tête avant que leur vote ne se cristallise pour de bon.

Justin Trudeau se devait de poursuivre la remontée des libéraux s'il espère récupérer des votes au NPD. Pour ce faire, il lui fallait faire oublier sa tiède performance lors du premier débat francophone et offrir la prestation animée qu'il avait lors du débat Munk, plus tôt cette semaine. Ce qu'il a fait.

Depuis le début de la campagne, il s'est positionné comme celui qui incarne le renouveau, en raison de sa jeunesse, de son discours, de son image. Mais son défi est de convaincre les électeurs qu'il a l'étoffe d'un premier ministre, ce qu'il a tenté de faire hier en mettant de l'avant sa maîtrise des dossiers tout en jouant la carte de l'émotion et du discours senti.

Thomas Mulcair devait impérativement stopper la glissade du NPD au cours des dernières semaines. Il a de nouveau voulu se positionner comme la seule solution de rechange à Stephen Harper, affichant une attitude posée et calme. Mais certaines remarques acerbes ou impatientes pourraient lui jouer un tour. En outre, il n'a pas su se repositionner clairement sur l'échiquier, lui qui s'est fait doubler sur la gauche par les libéraux pendant cette campagne.

Plus effacé lors des autres débats, Stephen Harper, dans une formule de face-à-face, ne pouvait adopter la même tactique. Il a su se montrer calme, rassurant, en misant sur des messages concis et clairs. Mais c'est lui qui maîtrise le moins bien la langue française, et hier, cela lui a nui à quelques reprises.

Quant à Gilles Duceppe, il jouait son va-tout. Le Bloc québécois veut récupérer le coeur des électeurs qui l'ont déserté pour se tourner vers le NPD. M. Duceppe a joué, sans surprise, mais avec efficacité, la carte du meilleur candidat pour défendre les intérêts du Québec. Le chef bloquiste est expérimenté et efficace dans son propos, mais la cassette commence à être usée, sans compter qu'il pourra difficilement convaincre les électeurs que le chef d'un tiers parti a plus d'influence qu'un ministre assis à la table d'un cabinet.

Si chacun des chefs a eu l'occasion de renforcer ses positions hier, il est loin d'être certain, toutefois, que ce débat aura permis aux indécis de trancher leur opinion une fois pour toutes.