Le contraste était saisissant entre la façon dont le monde économique a accueilli les données montrant que le Canada a connu une récession au deuxième trimestre et le traitement que lui a réservé le monde politique.

Sobriété d'un côté, grands émois de l'autre. Ce qui nous rappelle que le propre d'une campagne électorale est de réduire notre quotient intellectuel collectif de plusieurs points.

Le PIB réel a baissé de 0,1 % au deuxième trimestre, selon Statistique Canada, après avoir baissé de 0,2 % au premier trimestre, essentiellement à cause de la baisse des prix du pétrole. Comme la définition technique d'une récession est un recul du PIB deux trimestres de suite, on pouvait donc dire que le Canada était entré officiellement en récession.

Libéraux et néo-démocrates s'en sont donné à coeur joie. C'était de bonne guerre parce que, depuis des mois sinon des années, le premier ministre Stephen Harper avait minutieusement fait des gestes pour que le scrutin d'octobre porte sur l'économie en misant sur son bilan et son succès dans l'assainissement des finances publiques.

Le fait de brandir le mot récession est sans doute payant, parce que le mot fait peur, surtout qu'on l'associe maintenant au terrible choc qui nous a ébranlés en 2008 et 2009. Mais il ne donne pas l'heure juste sur l'état réel de l'économie. Pour trois raisons.

Premièrement, cette définition officielle d'une récession manque de finesse. L'OCDE ne l'utilise pas. Les États-Unis non plus, où c'est un organisme indépendant, le National Bureau of Economic Research (NBER), qui statue sur l'existence des récessions, leur début et leur fin. « Le NBER, précise l'organisme, ne définit pas une récession en termes de deux trimestres consécutifs de baisse du PIB réel. Une récession est plutôt une période de déclin significatif de la production, des revenus, de l'emploi et du commerce, qui dure en général entre six mois et un an, et qui se caractérise par une forte contraction généralisée dans plusieurs secteurs de l'économie. » Ce n'est pas ce qui se passe au Canada.

Deuxièmement, les deux reculs trimestriels de l'économie ont été très modestes, des baisses de 0,2 % et de 0,1 %. On devrait parler de « récessionnette », une contraction légère dont les effets ont été circonscrits. Entre le premier et le deuxième trimestre, le PIB a baissé de 2,4 milliards, une somme infime par rapport à la taille de l'économie. Pour donner une idée, il aurait suffi que chaque Canadien dépense 66,49 $ de plus entre avril et juin pour éviter la récession !

Troisièmement, cette mini-récession est déjà terminée. Tout indique qu'elle n'aura duré que deux trimestres. Déjà, la hausse de 0,5 % du PIB par industrie, en juin, dénote un retournement. Cela donne du poids aux prévisions voulant que l'économie soit en reprise dès le troisième trimestre, d'une façon assez forte pour compenser le recul du début de l'année. La Banque du Canada, par exemple, s'attend à ce que la croissance atteigne 1,1 % en 2015. Rappelons que le deuxième trimestre s'est terminé en juin. Autrement dit, quand on a annoncé mardi que le Canada entrait officiellement en récession, celle-ci était déjà terminée depuis deux mois.

Cela ne permet surtout pas à Stephen Harper de pavoiser. La croissance sera clairement plus faible que les 2 % prévus dans son budget, avec de sérieuses conséquences pour le contrôle du déficit.

En outre, cette récession, même modeste, n'a frappé que le Canada, ce qui illustre la vulnérabilité de notre économie.

Ce n'est pas en brandissant ce mot qu'on fera un bilan sérieux des neuf années de pouvoir du gouvernement conservateur. Les questions qu'il faut plutôt poser, c'est si son combat contre la crise de 2008-2009 a été un succès, s'il nous laisse une économie en meilleure posture qu'à son arrivée et si sa gestion des finances publiques et de la fiscalité mérite des applaudissements. C'est ce que je vais regarder au cours des prochains jours.