Ce qui se passe dans le milieu de l'éducation est paradoxal. Pancartes à la main, des parents inquiets dénoncent les coupes dans les services aux élèves en se portant à la défense de « leur » école.

Ils témoignent ainsi de leur implication dans le cheminement scolaire de leurs enfants. En unissant leurs forces, ils ont plus de poids pour exercer une saine pression sur le gouvernement. Mais les images de chaînes humaines unissant les parents aux enseignants et aux élus renvoient aussi à une étrange dualité, particulièrement à la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

Par leurs gestes, les parents se rangent aux côtés de la CSDM, main dans la main avec une organisation qui a récemment été blâmée pour sa gouvernance et sa mauvaise gestion. Les commissions scolaires ont soudainement leur appui, alors que dans l'opinion publique, la cote de popularité de ces organisations est au plus bas.

La maigre croissance de 0,2 % accordée au budget de l'Éducation risque d'entraîner d'autres choix douloureux. Le ministre François Blais maintient la ligne dure et son apparente insensibilité devant les réductions envisagées dans les services aux élèves heurte bien des parents. On peut les comprendre.

À travers la province, plusieurs commissions scolaires ont prévenu qu'elles sont dans l'incapacité de boucler leur budget. Chaque semaine apporte son lot d'annonces de nouvelles coupes à venir, réelles ou anticipées : conseillers pédagogiques, classes spéciales, aide aux devoirs, transport scolaire, etc.

Selon les règles budgétaires qui restent à être approuvées, le gouvernement exigera cette année des commissions scolaires qu'elles justifient leur décision de toucher à certaines mesures liées à l'aide individualisée, la lecture ou la lutte contre l'intimidation. (Ces budgets feront maintenant l'objet d'enveloppes séparées, justement pour protéger certains services, comme l'aide aux devoirs.)

Ce contexte d'austérité survient aussi au moment où les commissions scolaires, telles qu'on les connaît, sont appelées à disparaître.

Un projet de loi préconisant l'abolition des élections scolaires est attendu cet automne.

Nous assistons donc à une joute politique entre les élus scolaires et le gouvernement, le cas le plus flagrant étant la CSDM. La présidente, Catherine Harel Bourdon, critique publiquement le ministre parce qu'il refuse de la rencontrer ; ce dernier menace la CSDM d'une mise en tutelle.

Dans cette équation complexe, ne négligeons pas les enseignants. Eux aussi dénoncent avec force le manque de ressources dans leurs classes, alors qu'ils font face à toujours plus d'élèves en difficulté. Leur tâche est de plus en plus lourde, c'est vrai. Mais ils sont aussi en période de négociations en vue du renouvellement des conventions collectives.

Tant les enseignants que les commissions scolaires ont sincèrement les élèves à coeur. Mais chacun défend aussi ses intérêts, ce qui donne l'impression que l'appui des parents n'est pas seulement inopiné, il est quelque peu instrumentalisé.