À six mois du prochain sommet sur le climat, une embellie inespérée se produit. La pression de l'opinion est devenue si forte que certains des États les plus récalcitrants, de même que des entreprises productrices de pétrole, admettent sans détour la gravité des changements climatiques.

Au cours de la conférence Affaires et Climat, tenue à Paris la semaine dernière, le président du groupe Shell, Ben van Beurden, a prédit que le système énergétique mondial sera « zéro carbone » d'ici la fin du siècle. La multinationale néerlandaise recueillera alors, a-t-il soutenu, « une part très, très importante » de ses revenues de l'énergie renouvelable.

Participant à la même rencontre, le ministre saoudien du Pétrole, Ali Al-Naimi, a reconnu que « un jour ou l'autre, en 2040, 2050 ou après, nous n'aurons plus besoin d'énergie fossile ». Les Saoudiens ont lancé un imposant programme d'investissement dans les énergies vertes, dans l'espoir de devenir « une puissance mondiale d'énergie solaire et éolienne ».

Au Canada, gouvernements et entreprises sentent aussi le vent de l'opinion souffler. Quoi qu'on pense des cibles de réduction des gaz à effet de serre annoncées il y a 10 jours par les conservateurs, il est révélateur qu'un gouvernement aussi entêté sente le besoin de verdir son image à quelques mois des élections.

À Calgary vendredi, le grand patron de Suncor, pionnière de l'exploitation des sables bitumineux, a convenu qu'« il y a un besoin urgent d'agir » pour contrer les changements climatiques. « Nous n'avons peut-être pas toutes les réponses, mais ne craignons pas de commencer quelque part », a lancé Steve Williams.

Il y a évidemment dans ces déclarations une bonne part de relations publiques. D'ailleurs, leurs auteurs sont restés vagues sur les mesures qu'ils envisagent ou sur les politiques qu'ils sont prêts à appuyer. Pas question en tout cas de laisser les hydrocarbures dans le sol, comme le prônent les écologistes.

« Les sables pétroliers constituent une ressource de classe mondiale qui doit être exploitée de façon responsable. »

- Steve Williams, président et chef de la direction de Suncor

Pour sa part, le ministre saoudien Al-Naimi juge irréaliste l'idée de ne pas exploiter les réserves d'hydrocarbures alors que plus de 1  milliard d'êtres humains n'ont toujours pas accès à l'électricité.

Il reste qu'un nombre croissant d'entreprises et de gouvernements qui dépendent du pétrole se disent prêts à participer à la lutte contre les changements climatiques. D'autant plus que les institutions financières commencent à tenir compte des impacts environnementaux lors de l'évaluation des projets, notamment les mines de charbon.

Cette conjoncture inédite pourrait ouvrir la voie au « miracle » évoqué la semaine dernière par le président François Hollande : la conclusion à Paris d'un accord mondial sur la réduction des GES.