En quête de la formule magique pour contrer le décrochage scolaire, on décortique la moindre variation dans la courbe d'obtention des diplômes, focalisant l'attention sur les plus touchés - les garçons - , mais négligeant l'analyse des conséquences à long terme. Pourtant, on verrait alors que le décrochage des filles - des futures mères - a des répercussions sur la scolarisation de tous les enfants, quel que soit le sexe.

La scolarisation des filles est la « clé de voûte » du décrochage scolaire, conclut d'ailleurs la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), qui vient de publier l'analyse détaillée d'une étude exploratoire qu'elle avait menée en 2012, avec l'organisme Relais-femmes, sur le décrochage des filles.

Avant d'y voir une énième bataille des sexes, il importe de s'attarder aux conséquences du décrochage féminin sur l'émancipation d'une société.

Les garçons sont moins nombreux que les filles à terminer leur secondaire avec un diplôme en poche ; en 2012, l'écart entre les deux était de 9 %. Cette différence chute toutefois à 4 % chez les jeunes de 19 à 24 ans. Les hommes sont alors plus nombreux que les femmes à retourner sur les bancs d'école pour terminer leurs études secondaires à la formation aux adultes. La situation familiale des décrocheuses est souvent un obstacle à leur retour aux études. Le résultat se fera sentir toute leur vie : elles gagneront à peine 67 % du salaire des décrocheurs.

La scolarisation de la mère est l'élément principal pris en compte par le ministère de l'Éducation dans son calcul de l'indice de défavorisation des écoles. Bien des études ont démontré que la pauvreté est un facteur déterminant de la réussite scolaire... et que le fait de ne pas avoir de diplôme est un facteur de pauvreté.

Sachant que dans un couple, c'est à la mère qu'incombe le plus souvent la responsabilité des devoirs, et que la majorité des familles monoparentales sont dirigées par une femme, on peut se demander dans quelle mesure elle est capable d'épauler son enfant - garçon ou fille - dans son cheminement scolaire si elle-même traîne d'importantes lacunes.

L'enseignement est devenu un défi complexe où l'école tente de répondre aux difficultés de tous les élèves. S'il faut, bien sûr, trouver des approches pour motiver davantage les garçons, il est nécessaire de garder en tête que l'écart le plus important dans les taux de décrochage n'est pas entre les garçons et les filles, mais plutôt entre les milieux défavorisés et ceux qui sont aisés.

Une étude de l'OCDE indiquait la semaine dernière que le Canada s'enrichirait de centaines de milliards de dollars si tous les élèves développaient ne serait-ce que les compétences minimales requises en mathématiques et en sciences. Dans cette perspective, la lutte contre le décrochage, des garçons comme des filles, apparaît encore plus payante à long terme.