Divisés sur des enjeux de santé, d'environnement ou d'économie, déchirés par des idéologies divergentes, les Québécois peinent à trouver un projet qui les rassemble. C'est pourtant à l'unisson qu'ils vibrent quand le printemps revient, comme si le Canadien de Montréal soudait le tissu social en ravivant une ferveur commune.

Une ferveur religieuse, diront certains. La foi et les prières se marient aux rituels et aux superstitions. Pendant que les « fidèles » se réunissent au « temple » et que les séries constituent un « chemin de croix », les plus dévots font brûler des lampions à l'oratoire Saint-Joseph.

Le Canadien de Montréal est-il une religion ? s'est interrogé le théologien Olivier Bauer, professeur à l'Université de Montréal. N'en déplaise aux amateurs convaincus que Carey Price accomplit des miracles, « il manque au Canadien [...] une référence explicite et assumée à une Transcendance, à un Dieu, à une Divinité ou à un Ultime », écrit-il.*

« À la différence de la religion, le sport ne fournit pas une explication de la vie, de la naissance et de la mort », complète sa collègue, Denise Couture. Peut-être, mais le hockey donne indéniablement un sens à la vie de certains.

Le « Go Habs Go ! » devient un cri de ralliement. Qu'ils soient francophones, anglophones, immigrants ou nés ici, les Québécois partagent une même joie, fondant leurs espoirs dans un rêve ultime, celui d'une autre coupe Stanley.

Il fut une époque où les joueurs du Canadien incarnaient la force, la persévérance et le courage, devenant une source d'inspiration pour les simples travailleurs. Aujourd'hui, l'organisation cherche à se rapprocher du peuple, donnant l'impression que les joueurs, même millionnaires, pourraient être nos voisins. C'est l'énergie des partisans qui procure la victoire à l'équipe et la foule y croit, scandant « on a gagné ».

Cette communion d'esprit est teintée de nostalgie, celle d'une dynastie révolue où le convoité trophée revenait presque chaque année à Montréal, à une époque où le Canadien français vivait encore pour un petit pain, alors que le match télévisé du samedi soir était une messe familiale.

C'est toutefois insuffisant pour expliquer l'engouement quasi divin. Même les nouveaux arrivants, qui ne partagent pas cette mémoire collective, sont frappés de la même fièvre.

Ce n'est pas non plus une simple question de marketing, même si le Canadien est devenu une business d'une efficacité redoutable, de loin l'équipe sportive la plus aimée au pays. L'organisation vend habilement le rêve et l'émotion à gros prix.

La vérité, c'est que le temps d'un printemps, nous avons besoin de vibrer collectivement pour un même idéal, en oubliant les rigueurs de l'hiver et les soucis quotidiens. Nous voulons croire, idolâtrer les Glorieux et haïr les joueurs adverses. La « Sainte-Flanelle » n'est pas tant une religion qu'une thérapie de groupe.

*La religion du Canadien de Montréal, sous la direction d'Olivier Bauer et Jean-Marc Barreau, Fides, 2009.