On ne s'attendait pas à grand-chose de ce premier budget Oliver et nous avions raison, puisque dans les faits, c'est plutôt un programme économique électoral qui a été dévoilé hier à Ottawa.

Dès mardi soir, les partis de l'opposition ont commencé à critiquer les grandes orientations du premier budget Oliver. C'est de bonne guerre, mais au cours des prochains mois, ce sont eux qui devront expliquer ce qu'ils comptent faire des principales mesures au cours des prochaines années, s'ils devaient prendre le pouvoir.

Limité dans ses moyens à cause de la baisse spectaculaire du prix du pétrole au cours des derniers mois, le ministre des Finances a dû faire preuve d'imagination pour déposer mardi un budget politiquement rentable en vue des prochaines élections, en octobre. Comme il n'a pas la marge de manoeuvre voulue en ce moment, M. Oliver a étalé sur les prochaines années une série de mesures fiscales et budgétaires, liant du coup les mains de ses adversaires néo-démocrates et libéraux.

Dans les circonstances, c'est assez astucieux, surtout que les contribuables recevront dès cette année des petits cadeaux (comme le fractionnement du revenu ou l'allocation directe pour enfants) qui ont déjà été annoncés dans les précédents budgets.

Le ministre Oliver a admis à mots couverts que certaines mesures de ce budget visent à attacher les mains des partis de l'opposition. «Il y a des choses tellement importantes que nous voulons légiférer là-dessus tout de suite, par exemple la réduction des impôts des entreprises», a-t-il répondu lorsqu'on lui a demandé si ce budget n'était pas d'abord un outil électoral.

Facile de critiquer, pour les partis de l'opposition, mais il sera plus difficile d'annuler des dispositions favorisant les contribuables. Surtout que les conservateurs ont pris soin de donner un caractère permanent à certaines d'entre elles. Prenez la Prestation universelle pour la garde d'enfants, un chèque de 160$ par mois pour les enfants de moins de 6 ans - et de 60$ par mois pour les enfants de 6 à 17 ans - versé directement aux parents (le NPD et le PLC ne devraient pas y toucher). Cette mesure coûtera au Trésor public 7,8 milliards en 2015-2016... et 4,5 milliards par année par la suite, précise le budget.

En gros, le gouvernement Harper a déjà dépensé les surplus à venir avec de nouvelles mesures de ce genre déjà prévues ou d'autres qui entreront en vigueur dans deux, trois ou même quatre ou cinq ans, tout en réduisant les revenus de l'État par des baisses d'impôts.

Il y a plusieurs autres mesures durables coûteuses pour l'État dans ce budget:

- doublement du plafond des cotisations au CELI;

- réduction du taux d'imposition des petites entreprises à 9% d'ici 2019 (2,7 milliards en moins pour le gouvernement fédéral);

- gel de trois ans du taux de cotisation des petites entreprises à l'assurance-emploi jusqu'en 2017, puis diminution de ce taux; 5,8 milliards au cours des trois prochaines années pour renouveler les infrastructures fédérales;

- 1,33 milliard sur six ans à compter de 2017-2018 pour la Fondation canadienne pour l'innovation;

- réduction du taux de cotisation pour 16 millions de Canadiens au régime d'assurance-emploi en 2017;

- 11,8 milliards sur 10 ans pour les Forces armées canadiennes et augmentation de 3% du budget annuel à partir de 2017-2018;

- 1,5 milliard sur cinq ans «pour faire avancer les objectifs de la stratégie renouvelée en matière de sciences, de technologie et d'innovation»;

- 5,35 milliards de dollars par année en moyenne à l'infrastructure provinciale, territoriale et municipale dans le cadre du Nouveau Plan Chantiers Canada;

- 1 milliard par année à partir de 2018-2019 pour le Fonds en transports en commun.

Cette liste n'est pas exhaustive, on trouve plusieurs autres petites mesures dans ce budget. Rien pour faire la manchette, mais les néo-démocrates et les libéraux devront faire le tri. En fin stratège, Stephen Harper ne leur a pas laissé beaucoup de marge de manoeuvre.

Quel déséquilibre?

Avis aux provinces déficitaires qui pourraient être tentées de ressortir l'argument de l'iniquité entre gouvernements maintenant que le fédéral entre dans une nouvelle ère de surplus: «Il n'y a pas de déséquilibre fiscal au Canada.» C'est écrit en toutes lettres dans le budget Oliver.

«Au Canada, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux disposent chacun de tous les outils nécessaires pour offrir les services publics qui relèvent de leurs domaines de compétence respectifs et pour gérer leurs finances publiques de façon responsable. Tous les ordres de gouvernement doivent être des intendants responsables des fonds publics et doivent contrôler les dépenses publiques pour assurer l'équilibre budgétaire.»

Voilà qui a le mérite d'être clair.