La grosse nouvelle environnementale du mois d'avril, ce n'est pas la publication d'un manifeste contre le pétrole signé par des artistes et des militants, mais la décision de l'Ontario de participer au marché du carbone du Québec et de la Californie.

Ce marché du carbone n'a rien de sexy. Il repose sur une mécanique complexe que la plupart d'entre nous ne comprennent pas trop. Il utilise des mots comme bourse et marché qui semblent être des intrus dans le monde environnemental. Mais pourtant, c'est avec des outils comme celui-là qu'on réussira vraiment à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à lutter contre le réchauffement climatique.

Au Québec, avec le marché du carbone, de son vrai nom le Système de plafonnement et d'échange des droits d'émission de gaz à effet de serre, le SPEDE, le gouvernement impose aux entreprises qui sont de grosses émettrices de GES un plafond à la quantité qu'elles peuvent produire. Il leur donne des droits d'émission pour cette quantité de GES, des droits qui diminueront chaque année. Mais une entreprise qui réussit à faire mieux que les plafonds gouvernementaux pourra vendre ses propres droits à des entreprises moins performantes sur le plan environnemental.

Ce marché du carbone est en outre alimenté par des droits d'émission que le gouvernement vend aux enchères. Ce système impose une réduction des émissions industrielles de GES et encourage les entreprises à aller plus vite tout en permettant une souplesse d'ajustement.

Ce marché du carbone restait un peu limité tant qu'il était confiné au Québec et à la Californie. Avec l'arrivée de l'Ontario, il devient beaucoup plus prometteur. En ajoutant la Colombie-Britannique, qui a une taxe sur le carbone, les trois plus grosses provinces canadiennes, qui comptent pour les trois quarts de la population et les deux tiers de l'économie, adhèrent à des programmes qui consistent à mettre un prix sur le carbone, l'approche que recommandent les organismes économiques internationaux. Mais on sait qu'à l'échelle canadienne, le véritable succès viendra avec l'adhésion de l'Alberta.

Le développement de ce marché du carbone montre que les provinces ont jusqu'à un certain point réussi à compenser l'indéfendable paralysie du gouvernement fédéral dans ce dossier. Le gouvernement Harper, par idéologie, par désir de soutenir un développement pétrolier débridé, a manifesté un refus pathologique d'agir, comme si sa politique environnementale consistait à attendre une victoire républicaine aux États-Unis.

Il montre aussi que les bonnes politiques environnementales ne sont pas nécessairement le produit de l'action militante. Comme son nom l'indique, le marché du carbone s'inscrit clairement dans une logique de marché, mais il réussit à s'attaquer aux GES sans pénaliser l'économie, en utilisant des outils capitalistes pour combattre l'incapacité de l'économie de marché à prendre en compte les coûts environnementaux.

Cela ne nie pas l'importance des groupes environnementaux et de l'action citoyenne. Le mouvement vert a joué un rôle majeur pour briser le mur de l'indifférence des establishments politique, industriel et scientifique, et joue toujours un rôle essentiel pour dénoncer les abus, conscientiser, proposer des solutions. Mais on a pas mal plus de chances d'arriver à quelque chose s'il y a complémentarité entre la logique économique et les objectifs environnementaux.

C'est ce qui était agaçant avec le Manifeste pour un élan global, dont je parlais lundi, signé par des artistes et des militants, manifestement plus intéressés par les symboles que par les résultats, par exemple en disant non aux activités pétrolières au Québec au nom d'un concept, soit qu'un peuple qui dit non au pétrole ne doit pas en produire.

La logique économique, c'est le marché du carbone, le développement de l'auto électrique, plutôt que la guerre contre l'automobile et les banlieusards. C'est le choix de produire du pétrole au lieu de l'importer du bout du monde et de se servir de la richesse qu'il engendre pour financer nos grands projets.