Le mois prochain, les militants du Parti québécois éliront leur prochain chef, un peu plus d'un an après la défaite du gouvernement de Pauline Marois. Notre chroniqueur a suivi et rencontré les cinq aspirants et vous les présente en rafale toute la semaine (par ordre alphabétique). Qui sont-ils? D'où viennent-ils? Que veulent-ils accomplir et comment? Aujourd'hui: Martine Ouellet

Un de ses rivaux suggère de recueillir un million de signatures avant de foncer; un autre veut décider six mois avant les élections s'il tiendra ou non un référendum; un autre encore préconise une nouvelle mouture du «beau risque»; et, enfin, le dernier garde son jeu secret pour le moment. Martine Ouellet, elle, a résolument tranché: si elle dirige le Parti québécois aux prochaines élections, elle tiendra certainement un référendum sur l'indépendance dans le premier mandat.

Selon Martine Ouellet, seule candidate à la direction du PQ, la relance de son parti passe par le retour des débats, par la «sociale-démocratie verte» et par l'indépendance décomplexée.

Je l'ai rencontrée cette semaine dans un restaurant du Vieux-Longueuil, son patelin d'origine où elle vit toujours, à quelques rues de sa circonscription, Vachon. Premier sujet, incontournable: cette nouvelle sortie de son mentor politique, Jacques Parizeau, au micro de Michel Lacombe, à Radio-Canada, diffusée la veille.

Comme c'est le cas chaque fois, les critiques de Monsieur envers son ancien parti ont ébranlé les colonnes du temple du PQ, mais pas Martine Ouellet.

«Il faut arrêter de s'en faire, lance-t-elle. M. Parizeau dit beaucoup de choses vraies, notamment sur le développement économique. Sur le Parti québécois, je pense qu'il sonne l'alarme. On doit se réveiller, on doit être plus vivants. M. Parizeau dit: ils n'ont pas l'air de croire en eux. Moi, je le dis autrement, je dis qu'on doit s'assumer. Le constat des élections d'avril 2014 est très sévère. Si on continue comme avant, la même recette va donner le même résultat.»

Elle affirme aussi que, sous Jacques Parizeau, le PQ était plus ouvert aux débats. «Il y avait plus de place pour les militants à l'époque. Il y avait des congrès aux deux ans, pas aux six ans, et quatre conseils nationaux par année. Il faut laisser de la place aux idées, surtout pour attirer les jeunes. Un parti doit se renouveler.»

Mme Ouellet fait partie du groupe des «souverainistes pressés», dénomination donnée, sous le règne de Pauline Marois, aux militants qui souhaitaient un nouveau référendum dans le premier mandat d'un gouvernement péquiste majoritaire. Au passage, elle écorche «les stratèges qui pensent que, pour prendre le pouvoir, c'est mieux de ne pas parler de souveraineté».

«Il faut faire le constat, reprend-elle: depuis une dizaine d'années, l'appui à la souveraineté est plus élevé que l'appui au PQ. Mais il faut en parler, il faut répondre à des questions, par exemple, quelles seront nos pensions de vieillesse et que serait l'assurance-emploi dans un Québec souverain.»

Martine Ouellet est toute menue et elle n'est pas celle qui parle le plus fort, mais il ne faut pas se fier aux apparences: c'est une fonceuse qui sait exactement où elle veut aller et comment. Pour le référendum, elle prône la plus grande transparence: utiliser les trois prochaines années pour re-mobiliser les souverainistes, faire campagne en promettant un référendum dans le premier mandat, ce qui donne, dit-elle, sept ans pour préparer et gagner ce référendum.

Elle rejette toutes les autres approches, comme celle de son rival Alexandre Cloutier, qui suggère d'obtenir un million de signatures avant de se commettre

«C'est un détour, dit-elle, c'est une autre façon de ne pas être clair en 2018. Nous avons été pas mal trop attentistes. Si on veut faire l'indépendance, il faut être transparent, le dire clairement, et moi, je fais confiance à la population. Il faut s'assumer et être fier de ce qu'on est, c'est important.»

Réunir la famille

Cela passe aussi, dit-elle, par la réunification de la famille souverainiste. «J'ai commencé les rapprochements, notamment avec Option nationale, dit-elle. C'est bien beau de parler, mais il faut aussi agir. J'ai des gens qui étaient avec Option nationale ou Québec solidaire dans mon équipe.»

Des quatre candidats-députés (elle-même, Alexandre Cloutier, Bernard Drainville et Pierre Karl Péladeau), Mme Ouellet est la seule à ne pas compter d'appuis au sein du caucus. Elle ne s'en formaliste pas outre mesure. «Certains ont commencé leur course avant, parfois des années avant, dit-elle, visant MM. Drainville et Cloutier. D'autres [députés] ont peut-être été séduits par l'avancée dans les sondages après l'arrivée de Pierre Karl Péladeau.»

À propos de l'avance présumée du meneur, Martine Ouellet y va de cette mise en garde aux militants: «On en a essayé, des sauveurs, au PQ, et puis ça n'a pas été un grand succès.»

Grande expérience

Avant d'être ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement Marois, elle a occupé un poste de gestionnaire de haut niveau à Hydro-Québec. Elle a passé beaucoup de temps sur le plancher des vaches, dans les grandes usines du Québec.

Être une rare femme dans un milieu d'hommes, pour elle, ce n'est pas nouveau. Et malgré ses airs un peu timides, Martine Ouellet ne manque pas d'assurance.

«Dans cette course, c'est moi qui ai la meilleure connaissance des secteurs économique et industriel du Québec, lance-t-elle. Pierre Karl a une connaissance de la télé et de la téléphonie, mais moi, je connais tous les secteurs.»

En environnement, plus précisément, c'est elle qui a pondu, comme militante, trois politiques environnementales des gouvernements péquistes: la gestion des déchets (1994), la politique énergétique (1996) et la politique de l'eau (2002).

Il est vrai que Mme Ouellet est comme un poisson dans l'eau lorsqu'elle parle de production et de distribution d'électricité, d'automobiles électriques, de mines et d'exploitation de ressources naturelles et de la forêt, de traitement des eaux, de développement durable, et j'en passe.

Lors du débat sur l'environnement, il y a deux semaines à Sherbrooke, elle a dominé les échanges par sa connaissance studieuse des dossiers.

«Je suis pas mal sûre d'avoir gagné ce débat et pourtant, aucun commentateur ne l'a souligné. Si un des quatre gars avait aussi bien fait, on l'aurait dit», avance-t-elle, ajoutant que les femmes sont encore traitées différemment en politique.

Qui est-elle?

• 45 ans

• Née à Longueuil

• Députée de Vachon depuis 2010

• Ministre des Ressources naturelles de 2012 à 2014

• Responsable de projets d'efficacité énergétique, de recherche et développement et de négociation de contrats majeurs à Hydro-Québec pendant près de 20 ans

• Instigatrice de la politique de la gestion des déchets, de la politique énergétique et de la politique de l'eau au PQ (1994 à 2002)

• Ingénieure mécanique (McGill), MBA (HEC)

• Modèles politiques: Gro Harlem Brundtland (première ministre de Norvège à trois reprises, de 1981 à 1996) et auteure du rapport Notre avenir à tous (1987), fondement du développement durable. Jacques Parizeau: «Il a pris le PQ en 1988 à peu près au même niveau qu'aujourd'hui [23 députés, 55 000 membres] et six ans plus tard, il nous a amenés à l'indépendance... mais les fédéralistes ont triché.»