La première année au pouvoir du gouvernement de Philippe Couillard été définie par ce que celui-ci décrit comme la rigueur budgétaire et que presque tout le monde appelle l'austérité. Une austérité qui provoque un mécontentement croissant, à mesure qu'on en découvre les conséquences.

Mais ce mécontentement prévisible est nourri par le sentiment très répandu que les engagements du Parti libéral, lors de la dernière campagne électorale, n'avaient pas préparé les Québécois à ce qui allait suivre. Certains diront qu'ils n'avaient pas voté pour ça - quoiqu'en général, cette formule soit utilisée par des gens qui n'ont pas appuyé les libéraux -, d'autres que le gouvernement n'a pas le mandat pour poser les gestes qu'il pose, ou encore d'avoir carrément menti.

Il est clair que le régime minceur imposé par les deux budgets du ministre des Finances, Carlos Leitao, ne ressemble vraiment pas à ce que le futur premier ministre disait en campagne. Les libéraux parlaient certes de déficit zéro, mais pas du prix qu'il faudrait payer pour l'atteindre. Leurs engagements laissaient présager une rigueur relativement sans douleur, où les dépenses de santé et d'éducation continueraient à croître à un bon rythme, sans mesures impopulaires comme la hausse des tarifs des CPE du gouvernement Marois, et où la croissance économique retrouvée grâce à leur victoire viendrait donner un coup de pouce.

Il faut cependant rappeler que les trois partis susceptibles de former le gouvernement proposaient essentiellement le même cadre financier, celui d'un retour rapide à l'équilibre budgétaire, en 2015-2016 pour les libéraux et les péquistes et même un an plus tôt, en 2014-2015, pour les caquistes. Par définition, on le sait maintenant, aucun de ces partis n'aurait pu respecter ces objectifs sans des mesures très difficiles. Aucun de ces partis n'en a parlé en campagne électorale. Le PLQ avec son programme financier jovialiste, le PQ, en cachant les mesures de retour à l'équilibre qu'il avait dans ses cartons, et la CAQ qui, malgré son discours plus ferme, affirmait pouvoir éliminer le déficit par des mesures administratives sans impacts pour les citoyens.

Autrement dit, personne n'a donné l'heure juste aux électeurs. Mais c'est le parti qui a remporté les élections qui paie maintenant le prix de cette forme d'omerta politicienne. Reste à savoir, dans l'écart évident entre ce qui a été promis et ce qui se produit, ce qui relève du mensonge, de la dissimulation, de l'optimisme immodéré, des erreurs de bonne foi ou des effets de circonstances incontrôlables.

Les libéraux ne pouvaient pas ne pas savoir que l'état des finances publiques était pire que ce que décrivait le budget préélectoral du ministre péquiste Nicolas Marceau. Ils savaient aussi que le gouvernement Marois préparait en secret des mesures de réduction des dépenses très impopulaires. En basant leur plan financier sur le budget péquiste, les libéraux ont fait preuve d'une imprudence irresponsable, sans doute en faisant le calcul qu'ils pourraient s'en tirer en faisant porter le blâme sur la mauvaise gestion de leurs prédécesseurs. Les effets de ce manque de franchise, hélas! assez classique, ont ensuite été amplifiés par deux facteurs: le fait que la situation financière était pire que ce qu'on pouvait imaginer, et le fait que l'effet libéral, auquel les libéraux devaient croire, ne s'est pas manifesté.

Mais cela mérite qu'on pose une deuxième question. Que serait-il arrivé si les libéraux avaient dit toute la vérité? Elle se pose aussi pour les autres partis. La réponse, c'est très probablement que le parti qui aurait été d'une franchise absolue aurait mordu la poussière.

Si on peut déplorer le manque de franchise et de transparence de la classe politique, il faut ajouter qu'il y a là une part de responsabilité collective. La franchise ne triomphera pas en politique, tant que les citoyens ne seront pas prêts à entendre la vérité.