Beaucoup de travail reste à faire pour aplanir les complexités et les imprécisions du projet de loi 20, dont l'objectif est de favoriser la prise en charge des Québécois par un médecin de famille. L'accès à l'avortement, qui s'est retrouvé cette semaine au coeur d'une tempête qui n'avait pas lieu d'être, l'illustre bien.

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a rendu publiques les orientations réglementaires qui encadrent son projet de loi. Le document précise le nombre minimal de patients que les médecins devront suivre annuellement.

Cette cible est pondérée selon la vulnérabilité des patients (toxicomanie, santé mentale, soins à domicile, etc.), les tâches d'enseignement ou administratives, de même que par la défavorisation des patients, un facteur peu utilisé en santé, mais intéressant.

Toutefois, l'imprécision qui se dégage du document en circulation prête flan aux critiques. La pondération aléatoire suscite des interrogations. Elle découle du travail d'un comité, mais plusieurs acteurs du milieu affirment ne pas avoir été consultés. Quoi qu'en dise le ministre, la procédure mathématique promet d'être complexe dans un système de facturation qui l'est déjà.

Le suivi d'une femme enceinte compte pour deux patients... comme la prise en charge d'un patient toxicomane ou atteint du VIH, qui demande souvent plus de soins.

La pondération se doit pourtant d'être extrêmement précise, d'autant plus que des pénalités financières attendent les médecins qui n'atteindraient pas les cibles. Une part d'arbitraire demeurera - et c'est normal -, mais comme il s'agit d'un document de travail, il est encore temps pour le milieu d'apporter des propositions pour rendre la pondération acceptable.

Des quotas sont aussi fixés, au-delà desquels chaque patient vulnérable additionnel ne comptera que pour un seul. De cette façon, le ministre veut inciter les médecins à diversifier leur clientèle. C'est un défi, car la tendance, surtout chez les jeunes, est plutôt à la spécialisation.

Signe encourageant, malgré la grogne généralisée contre le projet de loi, des discussions ont cours entre la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et le ministre. Ce dernier a besoin de l'adhésion des médecins pour que sa réforme se fasse en douceur; la FMOQ doit comprendre que les mesures financières incitatives n'ont pas eu l'effet escompté et qu'il faut maintenant des garanties que la population pourra voir rapidement un médecin, quand c'est nécessaire. Imposer un nombre minimal de patients par médecin n'est pas utopique, cela se fait ailleurs.

La FMOQ promet dans son mémoire une «sensibilisation massive» des médecins, mais ce n'est pas convaincant. L'accès adapté - le médecin réserve des périodes quotidiennes pour voir ses patients malades - est en revanche une voie prometteuse qui devrait être généralisée, voire obligatoire.

Un véritable changement de pratique est nécessaire. Le Québec est la dernière des provinces canadiennes en terme d'accès aux soins, c'est inacceptable.