La croisade contre les mesures d'austérité du gouvernement Couillard repose sur deux éléments. La crainte qu'un contrôle trop serré des dépenses publiques compromette la faible croissance économique. La peur que les mesures pour rétablir l'équilibre budgétaire mènent à un démantèlement du modèle québécois.

Les données du deuxième budget du ministre québécois des Finances, Carlos Leitao, montrent de façon assez claire que ces argumentaires sont fragiles. On peut critiquer les choix budgétaires du gouvernement libéral ou la sagesse de certaines de ses mesures d'austérité, mais rien ne justifie l'enflure verbale. La catastrophe annoncée n'aura pas lieu.

Ce budget respecte ses prévisions pour l'année qui s'achève et se dirige vers le déficit zéro, comme promis, pour 2015-2016, et le fait d'une façon crédible. Le ministre Leitao, et son collègue Martin Coiteux, le président du Conseil du trésor, semblent manifestement en contrôle, assez pour que leurs prévisions tiennent la route et que le retour à l'équilibre budgétaire soit durable. Quoique, comme le dit le véritable chef de l'opposition, François Legault, une bonne partie du succès repose sur les ponctions fiscales diverses exigées des citoyens.

Mais ce qui étonne, c'est que ce budget respecte ses objectifs, tout en étant moins brutal que ce à quoi on aurait pu s'attendre. Cela tient en bonne partie au fait que le sale travail a été fait avant, dans le budget de juin dernier et avec les mesures du «Point sur la situation économique et financière», en décembre. Il reste, pour cette année, de nouvelles réductions de dépenses de 1,187 milliard, ce qui n'est pas rien, mais qui représente une somme relativement modeste sur des dépenses totales de 98,6 milliards. Cela permet de croire que le pire est derrière nous.

Les prévisions du ministère des Finances, ainsi que celles du secteur privé présentées dans les documents budgétaires, montrent que, malgré cette austérité, la croissance économique, à 2% pour 2015 et pour 2016, quoique modeste, sera plus forte que celle des années précédentes. Cela montre clairement que les mesures de rigueur qui, par définition, ne contribuent pas à la croissance, n'ont pas cassé l'économie.

Cette relative solidité de l'économie s'explique surtout par la chute des prix du pétrole qui favorise les consommateurs et fait baisser le taux de change du dollar, ce qui, de concert avec la reprise américaine, contribue au commerce extérieur. Des progrès qui se manifestent par une explosion des exportations, une croissance de l'emploi et la hausse des investissements.

Cela nous dit que la stratégie adoptée par le gouvernement Couillard était la bonne, que le moment était bien choisi pour équilibrer les finances publiques et pour le faire rapidement.

Il faut néanmoins souligner que cette reprise économique est due à la conjoncture, pas aux mesures du budget, très modestes et étalées dans le temps. Elles servent bien davantage à gommer l'image d'austérité du gouvernement et à montrer qu'il s'occupe aussi de la relance économique. Ces mesures, baisse de la fiscalité des entreprises, bonification de certains crédits, envoient de bons messages, mais ce n'est pas avec 121 millions pour cette année qu'on stimulera l'économie.

L'autre grande crainte, c'est que les compressions budgétaires remettent en cause une conception de la société qui fait l'objet d'un vaste consensus. L'objectif formel du gouvernement Couillard est de ramener progressivement, d'ici quatre ans, les dépenses de l'État au niveau qu'elles avaient avant la crise, soit 21,5% du PIB. Autrement dit, la taille de l'État serait exactement la même qu'avant. Bien sûr, à travers les compressions budgétaires, le gouvernement libéral exprime des choix qui ne sont pas consensuels. Mais avec un État qui gardera la taille qu'il avait dans la période normale qui a précédé la crise, il est difficile de parler de démantèlement de l'État ou de complot néo-libéral.