Le budget que déposera demain le ministre québécois des Finances, Carlos Leitao, sera un test pour le gouvernement Couillard qui s'est engagé à éliminer le déficit en 2015-2016, l'année financière débutant la semaine prochaine, et surtout, qui a fait reposer toute son action sur l'atteinte de cet objectif.

Il y a trois questions qu'il faudra se poser demain, lorsqu'on prendra connaissance du contenu de ce budget, pour évaluer si le gouvernement libéral passe le test.

La première question consiste évidemment à savoir s'il réussira à éliminer le déficit comme promis. À mon avis, la question ne se pose même pas. Même si une majorité de citoyens en doutent, il paraît évident que le ministre Leitao réussira à arriver au déficit zéro en 2015-2016.

Pourquoi? Grâce au coup de pouce de la conjoncture économique; la meilleure façon de réduire un déficit, ce sont les rentrées fiscales engendrées par la croissance. En raison aussi de la détermination sans failles, l'obstination, diront certains, manifestée par le gouvernement Couillard. Et surtout, parce qu'il n'a pas vraiment le choix. Pour des raisons financières : le jugement des agences de crédit. Pour des raisons politiques : après avoir tout misé sur l'élimination du déficit, le gouvernement Couillard ne peut plus reculer sans en payer le prix.

Les vrais enjeux portent donc moins sur la capacité du gouvernement à éliminer le déficit que sur les conséquences de son succès prévisible. La deuxième question porte ainsi sur les conséquences économiques des politiques d'austérité - ou de rigueur. L'élimination trop rapide du déficit, en réduisant les sommes que l'État injecte dans l'économie, ne risque-t-elle pas d'affaiblir l'économie, comme l'affirme l'économiste Pierre Fortin? Cette thèse est devenue une sorte de crédo, repris entre autres par l'ex-ministre des Finances, Nicolas Marceau.

Cela mérite une parenthèse. J'entendais hier M. Marceau reprendre cette thèse pour dénoncer les objectifs libéraux. J'étais gêné pour lui. D'abord, parce qu'il s'est tellement trompé : le déficit zéro qu'il promettait pour 2013-2014 dans son premier budget, en novembre 2012, s'est transformé en déficit de 3,5 milliards. Ensuite, parce que dans son second et dernier budget, en février 2014, il y a à peine treize mois, il prévoyait l'atteinte du déficit zéro en 2015-2016. Maintenant, il dénonce les efforts de son successeur pour essayer d'atteindre l'objectif qu'il avait lui-même fixé. Vive la politique partisane. Fin de la parenthèse.

On verra, dans le budget de demain, ce que disent les prévisions économiques du secteur privé sur lesquelles le ministère des Finances établit ses projections. Tout indique, même en tenant compte des politiques de rigueur, que l'économie québécoise prend du mieux. Si tel est le cas, ce débat sur l'effet néfaste d'un retour rapide à l'équilibre perdra sa pertinence.

La troisième question par contre, gardera toute la sienne. Elle porte sur le prix du succès. Les efforts nécessaires pour éliminer le déficit en 2015-2016 sont importants : 3,3 milliards à aller chercher, une croissance des dépenses très faible, 0,7%, moins que l'inflation. Le choc sera peut-être moins important que ce à quoi on s'attend, parce que les décisions nécessaires ont déjà été prises. Mais on voit bien que le gouvernement n'a pas réussi à réduire la croissance de ses dépenses sans affecter les services, et qu'on n'a pas fini de découvrir les conséquences concrètes des décisions prises en haut. Le vrai test du gouvernement est là, et il est de nature politique.

Est-ce que cela suffirait à justifier un retour à l'équilibre plus lent, pour éviter des compressions aveugles? Intellectuellement, c'est attrayant. Je crois plutôt que la voie la plus sage, et finalement la moins douloureuse, consiste à retrouver l'équilibre budgétaire rapidement, pour mettre tout cela derrière nous. On verra demain si les projections pour les années à venir laissent entrevoir cette sortie de crise.