Le gouvernement du Canada se demande depuis des années comment relancer le transport ferroviaire de passagers et ainsi réduire les sommes qu'il doit verser pour combler les pertes de VIA Rail (plus de 300 millions par an). Les projets d'envergure - TGV, ViaFast - ont été écartés parce que jugés trop coûteux. Des centaines de millions ont tout de même été investis pour rafistoler les trains, les gares et les rails. Le problème central demeure entier: les trains de VIA circulent sur les voies appartenant au CN et au CP, et celles-ci donnent priorité à leurs convois.

Or, le transport de marchandises par train ne cesse de croître (+ 25% de tonnage de 2009 à 2013). Résultat: malgré les investissements consentis, VIA a toutes les misères du monde à augmenter la fréquence et la ponctualité de ses rames. Le nombre de voyageurs glisse inexorablement (- 7% durant la même période).

Depuis quelques semaines, le PDG de la société, Yves Desjardins-Siciliano, fait la promotion d'un projet qui, pour trois fois moins cher qu'un TGV, pourrait rendre les voyages par train beaucoup plus attrayants. Au coeur de ce projet, la construction de voies réservées aux trains de passagers dans le corridor Montréal-Ottawa-Toronto. Le secteur privé financerait la construction des voies et des gares, dont il serait propriétaire. Ottawa achèterait le matériel roulant et les terrains. Via verserait une somme annuelle pour l'utilisation du réseau.

Pourquoi le privé mettrait-il de l'argent dans un secteur qui a toujours été déficitaire? D'abord parce que, en raison de la faiblesse des taux d'intérêt, les grands investisseurs à la recherche de rendements sûrs se sont tournés vers les infrastructures. C'est le cas notamment des régimes de pension (la Caisse de dépôt a récemment annoncé un tel virage) et des compagnies d'assurance.

Surtout, disposant désormais de voies exclusives au transport de personnes, VIA serait en mesure d'accroître sensiblement la fréquence et la ponctualité des trains. Plutôt que des trains à grande vitesse, le Canada aurait des trains à grande fréquence et grande fiabilité. Séduits par la nouvelle offre, de nombreux voyageurs délaisseraient l'automobile en faveur du train. Le projet entraînerait donc une réduction des émissions de gaz à effet de serre, surtout si Hydro-Québec s'impliquait de sorte que les nouveaux trains roulent à l'électricité.

Les investisseurs seront-ils convaincus? Sans doute exigeront-ils un rendement minimum. M. Desjardins-Siciliano espère convaincre le fédéral de fournir cette garantie. Au pire, cela lui coûterait «dans les mêmes eaux» que ce qu'il doit verser aujourd'hui pour renflouer les coffres de la société de la Couronne.

Étant donnés sa foi dans les partenariats public-privé et son souci de la bonne gestion des fonds publics, le gouvernement Harper devrait examiner sérieusement et rapidement le projet de VIA.