Comme ça, Stephen Harper n'aime pas Radio-Canada. Remarquez, à voir, depuis des années, avec quelle détermination son gouvernement s'applique à asphyxier le diffuseur public, on s'en doutait un peu.

Ce n'est pas une grosse nouvelle, donc, mais jamais auparavant nous n'avions constaté aussi clairement que pour M. Harper, Radio-Canada est un ennemi politique, au même titre que le Parti libéral ou le NPD.

D'ailleurs, il leur applique le même traitement en coupant sa source de revenus. Une sorte de mort lente par inanition.

Une fois au pouvoir, M. Harper s'est empressé de changer les lois sur le financement des partis politiques pour priver ses adversaires politiques de la subvention publique calculée en fonction des votes obtenus. Selon Tom Flanagan, ancien conseiller de Stephen Harper, celui-ci rêvait de réduire les libéraux à l'indigence, sachant que son propre parti peut compter sur une base militante plus généreuse. Le plan n'aura finalement pas fonctionné avec le PLC, mais c'est plus facile avec Radio-Canada: couper sans cesse les vivres à une époque où les revenus publicitaires s'effritent, c'est condamner la société d'État à l'agonie.

Le problème, c'est que nous ne sommes plus ici dans les compressions de dépenses ou la saine gestion des fonds publics, nous sommes ici, carrément, dans l'idéologie et la petite politique.

«Je comprends très bien qu'il y a beaucoup [de gens] à Radio-Canada qui détestent ces valeurs. Mais je pense que ces valeurs sont les vraies valeurs d'un grand pourcentage des Québécois», a lancé le premier ministre lundi lors d'une entrevue avec une radio de Québec.

La question que lui posait alors l'animatrice (ex-ministre du gouvernement Charest) Nathalie Normandeau était: «Qu'allez-vous faire pour séduire l'électorat du Québec?» M. Harper commence en disant qu'il «reste convaincu que, malgré l'image donnée par certains médias, par certains de nos opposants, les Québécois ne sont pas des gauchistes», puis il attaque directement Radio-Canada. C'est à croire que le principal adversaire des conservateurs au Québec lors de la prochaine campagne électorale ne sera pas le Parti libéral, le NPD ou le Bloc, mais... Radio-Canada.

Interrogé hier aux Communes par les chefs néo-démocrate et libéral sur le sens de ses attaques contre les employés de Radio-Canada, M. Harper a lu cette réponse: «Nous croyons qu'une grande proportion de Québécois et de Québécoises sont d'accord avec notre gouvernement et l'allègement du fardeau fiscal, la baisse des taxes et des impôts, des avantages directs aux familles, la lutte à la criminalité et au terrorisme.» Euh, rapport? comme disent les ados.

Rapport? M. Harper considère que les Québécois, qui ne sont pas des «gauchistes», sont influencés par la couverture déloyale de Radio-Canada (et probablement des autres médias aussi).

Voilà qui est insultant pour les Québécois, qui sont tout à fait capables de se faire une idée et qui, de toute évidence, rejettent massivement les positions des conservateurs. Pour M. Harper, il est plus commode, toutefois, de blâmer les vilains journalistes gauchistes.

C'est aussi ce qu'il avait fait, il y a quatre ans, en s'en prenant aux artistes. M. Harper vit dans un monde en noir et blanc.

Cause toujours

Arrogance: «Orgueil excessif se manifestant par de l'insolence, du mépris.» (Antidote 8)

Camil Bouchard, c'est bien connu, est un souverainiste convaincu, qui a siégé plusieurs années comme député péquiste à l'Assemblée nationale. Avant de faire de la politique, ce psychologue a travaillé avec des enfants et il a cosigné, en 1991, le rapport Un Québec fou de ses enfants.

Il est considéré comme l'un des pères des Centres de la petite enfance (CPE). Normal, donc, qu'il défende son bébé, ce qu'il a fait la semaine dernière en commission parlementaire devant le ministre des Finances, Carlos Leitao.

Pour l'exercice, M. Bouchard a longuement fait ses devoirs et s'est présenté avec deux sommités du domaine, les universitaires Gérard Malcuit et Andrée Pomerleau.

Pendant plus de 20 minutes, ils ont expliqué leur position, chiffres, études et références à l'appui.

Le ministre a brièvement commenté, puis, il a tranché, laconique: «Respectueusement, je ne suis pas d'accord avec vous.» C'est tout. Pas d'accord avec vous, next!

En face, le député péquiste et précédent ministre des Finances, Nicolas Marceau, a interpellé son successeur: «Nous sommes devant des études scientifiques, des faits, et vous répondez par une opinion! Nous ne sommes pas dans les opinions ici.»

L'intervenant précédent, l'Institut économique de Montréal, a eu plus de chance. M. Leitao a manifesté son grand enthousiasme pour cette présentation.

«C'est rafraîchissant, a-t-il dit aux représentants de l'IEM. On a entendu beaucoup de groupes et votre opinion diffère de ce qu'on a entendu avant, et je dois vous dire que c'est beaucoup plus proche de ce que je pense. On finit en beauté!»

Est-ce vraiment la peine de tenir de telles audiences en commission parlementaire pour rejeter du revers de la main toutes les opinions (étoffées) divergentes et se conforter du seul discours sympathique?

Camil Bouchard, lui, est ressorti avec la désagréable impression d'avoir perdu son temps devant quelqu'un qui n'était ni préparé ni disposé à discuter de l'avenir des CPE.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca