Le Conseil du patronat (CPQ) a lancé cette semaine une campagne pour faire la promotion de la prospérité au Québec. Cette campagne a déjà reçu l'appui de nombreux gens d'affaires, de la plupart des organismes représentant les entreprises et de celui du maire de Montréal, Denis Coderre.

Je peux difficilement être contre. Depuis des années, le thème sur lequel j'ai le plus travaillé, c'est celui de la création de richesse, un autre terme pour décrire la même chose: l'absolue nécessité pour le Québec de travailler pour augmenter son niveau de vie.

La réserve que je peux émettre, c'est que si le monde des affaires ne réussit qu'à mobiliser le monde des affaires, ça ne marchera pas. Le fait que le Québec n'atteigne pas son plein potentiel s'explique en grande partie par une résistance à l'idée même de la recherche de la prospérité. Une impasse dont on ne sortira qu'en cassant le stéréotype voulant que le discours sur la prospérité soit un discours de droite, incompatible avec des valeurs de solidarité.

Le CPQ, qui s'est beaucoup transformé depuis quelques années, est manifestement conscient de ce problème. Il parle d'une prospérité «pour tous et avec tous» et propose d'«améliorer le niveau et la qualité de vie des Québécois grâce à une plus grande prospérité économique, durable et solidaire». Ce sont des mots qui ne faisaient pas partie du vocabulaire patronal il y a quelques années. Au-delà des mots, le CPQ a associé un large éventail de personnes à sa réflexion: Pierre-Marc Johnson, Monique Jérôme-Forget, Lorraine Pintal du TNM ou Michel Venne de l'Institut du Nouveau Monde.

Cette ouverture est nécessaire. À mon avis, pour qu'un progrès en matière de création de richesse soit possible, il faut que cela devienne un objectif consensuel, et pour cela, il faut être capable de répondre à cinq grandes questions.

Quoi? Tout d'abord, il faut encore convaincre qu'il y a un écart de niveau de vie entre le Québec et les sociétés qui l'entourent, que la tarte que nous devons partager est plus petite, qu'il y a derrière cela des problèmes de performance économique.

Pourquoi? Il faut ensuite s'entendre sur la nécessité de combler cet écart. Il existe, au Québec, une méfiance justifiée à l'idée de la croissance à tout prix. Il faut donc démontrer que la prospérité n'est pas une fin en soi, mais un moyen pour préserver ce que nous avons déjà et pour améliorer le bien-être des gens, grâce aux emplois et aux revenus, mais aussi grâce aux ressources fiscales pour financer les besoins collectifs.

Pour qui? La question se pose parce que depuis deux décennies, même si le phénomène est moins marqué ici, les bénéfices de la croissance ont surtout profité aux plus riches, et que l'écart entre riches et pauvres s'est élargi. La recherche de prospérité ne peut devenir un objectif collectif que si elle est associée à des moyens pour en faire profiter le plus grand nombre, par les salaires, la fiscalité et la redistribution.

Avec qui? Pour que la recherche de prospérité ne soit pas seulement une préoccupation du gouvernement et du monde patronal, il faut trouver des façons d'en faire une culture commune, notamment en valorisant l'entrepreneuriat et en faisant participer les travailleurs aux efforts d'augmentation de la productivité.

Comment? C'est facile d'être pour la prospérité, mais il sera beaucoup plus difficile de s'entendre sur la façon d'y parvenir. Parce qu'il faudra faire des choix. Quelle fiscalité? Jusqu'où aider les entreprises? Où tracer la ligne pour que le développement soit vraiment durable? Quoi faire avec les mines, le pétrole?

Ce sont des débats complexes. Mais déjà, si on s'entendait sur l'importance de faire de la création de richesse une priorité, et sur un modèle de croissance au service du plus grand nombre, le reste de la discussion deviendrait beaucoup plus simple.