Les opposants au contrôle serré des dépenses exercé par le gouvernement Couillard soutiennent que Québec pourrait atteindre l'équilibre budgétaire en augmentant les impôts des «riches» et des entreprises. Les organisations participant au mouvement, parmi lesquelles les centrales syndicales et Québec solidaire, proposent en gros trois changements: l'imposition accrue des gains réalisés sur des placements; la hausse du taux d'imposition des contribuables fortunés; et l'augmentation du fardeau fiscal des sociétés.

Le député de Québec solidaire Amir Khadir trouve injuste que les «boursicoteurs» paient moins d'impôt sur les fruits de leurs placements (gains en capital, dividendes) que les travailleurs sur leur salaire. Pourtant, le bien-fondé de cet avantage fiscal est inattaquable: il s'agit d'encourager les investisseurs à prendre le risque d'acheter des actions. Si le rendement après impôt des actions n'était pas supérieur à celui de placements garantis, les entreprises seraient à court de fonds.

D'ailleurs, les investisseurs en question ne sont pas tous riches, loin de là. Par exemple, en 2011, plus de 200 000 contribuables ayant gagné entre 25 000 et 45 000$ ont déclaré des dividendes de sociétés canadiennes, pour une somme de plus de 730 millions.

Le mouvement anti-austérité propose aussi l'ajout de paliers d'imposition pour les revenus dépassant 100 000$. L'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) voudrait faire passer le taux marginal d'impôt de 25,8 à 34% pour les personnes dont le revenu imposable dépasse 200 000$. Ces contribuables se retrouveraient à verser aux gouvernements presque 60 cents sur chaque dollar de revenu au-delà de ce seuil. Et on s'imagine que ces gens-là accepteraient leur lot, alors que la frontière ontarienne se trouve à un jet de pierre?

Dernière cible, les entreprises «milliardaires». Même si les grandes sociétés présentes au Québec réalisent 85% des bénéfices déclarés par l'ensemble des entreprises de la province, moins de 30% de leurs revenus sont imposables ici, déplore M. Khadir. Explication du député de Mercier: la «grande majorité» de ces entreprises «réussissent à délocaliser une partie de leurs revenus tirés du Québec vers des juridictions complaisantes». L'évasion et l'évitement fiscaux existent, bien sûr, et il faut les combattre. Toutefois, l'écart dénoncé s'explique surtout par le fait que la plupart des grandes sociétés tirent une part importante de leurs bénéfices d'activités menées hors du Québec.

S'opposer à l'austérité, c'est s'imaginer que le Québec peut se permettre de conserver l'État-providence le plus généreux en Amérique du Nord, d'augmenter le nombre d'employés dans le secteur public, d'améliorer substantiellement leur rémunération et leurs conditions de travail, tout en réduisant le fardeau fiscal de la classe moyenne. Refuser l'austérité, c'est refuser de faire face à la réalité.