Le projet de loi C-51 propose de donner aux forces de l'ordre de nouveaux outils pour juguler le terrorisme. Les accusations portées hier contre trois résidants d'Ottawa, soupçonnés d'appuyer le groupe armé État islamique, nous rappellent que la menace est réelle. Dans ce contexte, la plupart des mesures prévues par le projet de loi nous paraissent utiles et raisonnables.

Cependant, l'accroissement des pouvoirs du Service canadien de renseignement et de sécurité (SCRS) suscite des inquiétudes légitimes. À cet élargissement de mandat devrait correspondre un contrôle accru, ce que ne prévoit malheureusement pas la version initiale du projet de loi.

Depuis la création du SCRS il y a 30 ans, son rôle est limité à la collecte et à l'analyse de renseignements sur des activités pouvant constituer des menaces envers la sécurité du Canada. Après l'adoption du projet de loi C-51, les espions fédéraux pourront intervenir afin d'empêcher la perpétration d'actes mettant en danger la sécurité nationale.

Certains craignent un retour aux vols et aux effractions employés par le Service de sécurité la GRC contre les indépendantistes québécois, dans les années 1970. Un tel dérapage paraît peu probable, dans la mesure où, selon le projet de loi, avant d'avoir recours à des méthodes illicites pour empêcher la commission d'un acte terroriste, le SCRS devra obtenir l'autorisation d'un juge. On imagine mal un magistrat autoriser des opérations aussi stupides que celles menées au lendemain de la Crise d'octobre.

Cela dit, on l'a vu aux États-Unis dans le dossier de la torture, les services de renseignement vont souvent trop loin. C'est pourquoi il est essentiel que leurs activités soient soumises à une surveillance serrée. Depuis le dépôt de C-51, le gouvernement Harper rejette du revers de la main l'idée d'un contrôle parlementaire. Selon le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, l'actuel Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité suffit à la tâche. Il s'agit, dit-il, d'«un organisme indépendant et crédible qui a de l'expertise».

De l'expertise? Au fil des ans, le Comité a surtout été formé d'anciens politiciens et de juristes. S'il a fait preuve de sérieux dans ses travaux, ses rapports sibyllins n'ont pas permis d'informer correctement le Parlement et la population canadienne au sujet des activités du SCRS et des problèmes décelés.

Dans la documentation publiée la semaine dernière pour justifier les nouvelles mesures antiterroristes, le gouvernement conservateur invoque à répétition les politiques similaires adoptées «au Royaume-Uni, en Australie et dans d'autres pays alliés». Or, les pays en question ont tous confié le contrôle de leurs services de renseignement à un comité parlementaire. Si des agences aussi puissantes que le FBI et MI5 sont soumises au contrôle des élus, on voit mal pourquoi ça ne devrait pas être le cas du SCRS.