Cher M. Labeaume,

Je vous écris pour vous faire part de ma déception.

J'ai suivi pas à pas votre récent séjour à Montréal. J'ai lu vos déclarations. J'ai vu vos sorties avec votre ami Denis Coderre. J'ai visionné vos passages à Bazzo.tv et aux Francs-tireurs.

Loin de moi l'idée de gâcher votre Carnaval, mais je dois vous dire que vous m'avez déçu.

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Je vous regardais aller, ces dernières années, avec envie. Pas pour votre attitude belliqueuse et peu démocratique, mais pour votre défense acharnée de la capitale. Vos rêves de grandeur. Et votre ardeur à les défendre.

Puis, je vous ai écouté lors de vos passages à Télé-Québec et j'ai été surpris de vous entendre aussi... comment dire? Non pas «philosophe», comme a suggéré Marie-France Bazzo. Mais plutôt... défaitiste.

Vous. Défaitiste.

Vous avez encore des projets, je le sais bien. Mais à part votre rêve de ressusciter les Nordiques, je trouve qu'ils ont perdu de leur pertinence.

Repeindre le pont de Québec, je veux bien, mais de façon prioritaire? Une tour de 50 étages sur le boulevard Laurier? Vous voulez vraiment doter Sainte-Foy de sa tour Montparnasse? Et le tramway, c'était une histoire d'un soir?

J'ai un peu de difficulté à vous suivre, je dois l'avouer. Mais ce qui m'a véritablement déçu, c'est votre réaction résignée au virage de la Caisse de dépôt, qui se dit ouverte à étudier «de bons projets d'infrastructures rentables».

À cette offre, vous avez réagi en... haussant les épaules. «La Caisse a plus de chances de réussir un projet payant à Montréal qu'à Québec», avez-vous dit à Bazzo.tv.

Je vous ai déjà vu plus mordant...

Bon, vous appuyez le projet d'un troisième lien avec Lévis, mais ce n'est pas votre projet. De votre propre aveu, vous n'en avez pas de projet à soumettre.

Comme si vous aviez oublié ce dossier fait sur mesure pour la Caisse qui s'empoussière sur votre bureau...

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Vous semblez, en effet, avoir laissé tomber le projet de TGV Québec-Windsor. Un projet qui mériterait pourtant de se retrouver sur le bureau de Michael Sabia, qui cherche des projets promettant des rendements stables et prévisibles à long terme.

La mise à jour des études gouvernementales dévoilée en 2011 a conclu que le projet pouvait être rentable. Malgré l'importance de la facture, estimée à 20 milliards.

La Caisse pourrait évidemment décider de ne pas financer cet immense projet, surtout si elle finance une navette vers l'aéroport. Comme elle pourrait ne pas investir dans un SLR sur Champlain si ses analyses confirmaient que l'AMT a manipulé les prévisions d'achalandage (j'ai toujours eu, personnellement, une préférence pour le tram-train...).

Mais vous ne perdez rien à essayer. Les révélations d'Enquête ne discréditent pas l'ensemble des modes ferroviaires. Elles nous rappellent l'importance de bien choisir le moyen de transport le mieux adapté à chaque corridor.

Le SLR n'était pas justifié à Yongin, mais il l'était à Vancouver, où les prévisions d'achalandage de la Canada Line ont été dépassées. La Caisse n'aurait donc qu'à analyser sérieusement la pertinence d'un TGV dans l'axe Montréal-Toronto. Mais pour ça, il vous faudrait ranimer le projet.

Je sais bien que vous étiez assez seul dans votre défense du TGV, il y a quatre ans. Mais cette fois, vous pourriez avoir de précieux alliés...

On parle d'un TGV électrique roulant à 300 km/h qui plairait aux maires des villes situées dans le corridor visé. Un TGV qui relierait Québec à Montréal en moins d'une heure et demie, Montréal à Toronto en deux heures et demie.

On parle d'un projet comme en cherchent les premiers ministres du Québec et de l'Ontario, qui ont affirmé l'automne dernier qu'ils souhaitaient défendre ensemble de grands projets de transport. Un projet, aussi, qui a la faveur de Justin Trudeau, ce qui a son importance en cette année électorale.

Vous savez comme moi que le TGV a le potentiel de devenir une sorte d'accord de libre-échange des personnes entre le Québec et l'Ontario. Une façon d'accélérer le transport de la matière grise entre Québec et Montréal.

Pas négligeable au moment où l'Ouest faiblit et l'économie du savoir bondit. Vous ne trouvez pas?

Saluez Bonhomme de ma part.