La scène avait quelque chose de surréaliste: devant un auditorium plein d'étudiants, quatre candidats debout derrière leur micro, nerveux mais prêts à débattre, et, entre eux, un petit écran de télé sur lequel apparaissait, lointain, le visage du cinquième prétendant, le favori, Pierre Karl Péladeau, en déplacement à Baie-Comeau pour les besoins de sa campagne à la direction du PQ.

J'ai couvert des dizaines de débats politiques au cours des 20 dernières années, mais la télé au milieu de la scène, ça, c'est une première. Et souhaitons que cela ne se reproduise pas trop souvent, parce que pour la qualité des débats, on repassera.

Au départ, Pierre Karl Péladeau ne devait pas prendre part à ce débat organisé par des étudiants de l'Université de Montréal, mais il a accepté d'en être vendredi dernier, tout juste après avoir appris que Jean-François Lisée se retirait de la course, disait-on hier dans les équipes concurrentes de cette course à la direction du PQ.

Les organisateurs de PKP voulaient que leur candidat apparaisse sur un écran géant, mais ses adversaires ont refusé net. Il a décidé de ne pas être sur place, tant pis pour lui, ont-ils tranché. Pas question de lui donner un avantage de taille, qui lui aurait nécessairement permis de dominer la scène physiquement, à défaut de s'imposer intellectuellement.

Est-ce à cause du format inusité, ou parce que la course n'est pas encore véritablement commencée? Toujours est-il que ce premier match entre aspirants-chefs du PQ a été plutôt «soft». Pas d'envolées électrisantes ni de répliques assassines, pas même de vrais débats, pour tout dire. Le fait est que le meneur présumé a systématiquement refusé de répondre aux quelques questions posées par ses adversaires. Déjà qu'il n'était pas physiquement sur place, en plus, PKP était fuyant.

Il a fallu attendre 30 minutes avant qu'un premier échange ne s'amorce vraiment, et encore, celui-ci a tourné court en raison de l'esquive de M. Péladeau. Bernard Drainville voulait savoir si ce dernier accepterait, si jamais il ne tenait pas de référendum dans un éventuel premier mandat, d'utiliser des fonds publics pour préparer ce référendum. M. Drainville n'a pas eu de réponse à sa question. Pas plus qu'Alexandre Cloutier, lorsqu'il a demandé à PKP s'il maintenait ses propos antisyndicaux de 2010.

On a rapidement compris, hier, pourquoi PKP ne tient pas à multiplier les débats dans cette course. Réflexe naturel de tout meneur: pourquoi s'offrir en cible à un groupe d'adversaires? D'autant plus que ces adversaires sont aguerris et rompus aux joutes politiques, ce qui n'est pas le cas de M. Péladeau.

Alexandre Cloutier, Bernard Drainville, Martine Ouellet et Pierre Céré ont tous insisté, hier, après ce premier débat, pour que leur parti organise au moins cinq affrontements. Pour le moment, il est question de deux débats, pas plus.

Le comité national des jeunes du PQ réclame plus de deux débats, et même le comité exécutif du PQ, m'a-t-on dit hier, milite en ce sens. La décision devrait être prise le 5 février lors d'une réunion des instances du PQ.

Dans les clans Cloutier, Drainville, Ouellet et Céré, on sent la grogne. «On a l'impression que la décision est déjà prise, que ce sera deux débats, point, indique un organisateur sous le couvert de l'anonymat. On appelle Jacques Léonard [responsable de la course à la direction] pour en parler, et il ne veut même pas répondre à notre appel. C'est frustrant!»

En point de presse d'après-débat, Alexandre Cloutier a lui aussi réclamé davantage de débats. «Le PQ est le parti des régions, je ne peux pas croire qu'on fera seulement deux débats, à Montréal et Québec!»

Un autre organisateur d'un clan adverse à celui de PKP m'a confié: «On sent bien que bien des péquistes, surtout les militants de longue date, veulent PKP parce qu'ils pensent que c'est le sauveur, mais on va limiter les débats au PQ? Vraiment? On va élire un chef sans savoir ce qu'il pense, ce qu'il propose?»

Hier, le débat était plutôt poli. On sentait bien par moments, surtout sur les questions patronales-syndicales, qu'il y avait un éléphant dans la pièce (dans l'écran de télé, en fait), mais les adversaires de PKP se sont gardés d'y aller à fond de train.

«C'était le premier débat, c'était un réchauffement», ont dit les adversaires de Pierre Karl Péladeau après le débat.

Vrai, il est rare que les gants tombent pendant la période d'échauffement, mais on sent toutefois que les affrontements pourraient devenir plus rudes dans une vraie partie.

Même s'ils refusent de le dire ouvertement, les adversaires de PKP craignent le syndrome du sauveur et ils doutent de ses convictions sociales-démocrates.

«La course à la chefferie, c'est pas seulement le star-system, a dit Martine Ouellette après le débat. Des sauveurs, le PQ en a eu deux, déjà, et il y a des gens qui pensent qu'on en a un troisième... Moi, je n'en sais pas plus aujourd'hui, après ce débat, que j'en savais hier sur les positions de M. Péladeau.»

Selon Pierre Céré, «beaucoup de membres du PQ disent qu'ils ne pourraient pas vivre avec PKP comme chef parce qu'il n'est pas social-démocrate».

M. Céré a confirmé hier qu'il sera officiellement candidat avant la date limite, demain 17h. Tant mieux pour le PQ, qui a besoin d'un candidat comme lui pour se faire brasser.

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